samedi 5 mai 2007

Symboles du Dagda

Des textes de l'étude mythologique du Dagda et du dessin du relief de côte j'ai tiré une liste de symboles.

Bélier, Bipène, Boiteux, Calebasse, Chaudron, Enclume, Forgeron, Foudre, Fourneau, Hache, Marteau, Oie, Roue, Tonnerre

Nous allons dans un premier temps lister les symboles où se trouvent le mot bélier et relèverons la phrase ou le paragraphe correspondant. Ensuite dans le texte des symboles listés ci-dessus nous surlignerons les phrases ou paragraphes importants.

Symboles où le mot bélier est présent :

Cerf : Chez les anciens Hébreux, le mot cerf, ‘ayyâl, dérive du terme ‘ayîl signifiant bélier ; le cerf est souvent considéré comme une sorte de grand bélier ou plutôt de bouc sauvage, d’où les diverses traductions de la Vulgate.

Corne : La corne a le sens d'éminence, d'élévation. Son symbolisme est celui de la puissance. C'est d'ailleurs, d'une façon générale, celui des animaux qui la portent. Ce symbolisme est lié à Apollon-Karneios, à Dionysos ; il fut utilisé par Alexandre le Grand qui prit l'emblème d'Amon, le bélier, que le Livre des Morts égyptien nomme Seigneur des deux cornes. On le retrouve aussi dans le mythe chinois du terrible Tch'e yeou à la tête cornue, et que Houang-ti ne put vaincre qu'en soufflant dans une corne. Houang-ti utilisa le drapeau de son rival, portant son effigie cornue et détenant sa vertu, pour imposer son propre pouvoir. Les guerriers de divers pays (et notamment les Gaulois) ont porté des casques à cornes. La puissance des cornes n'est d'ailleurs pas seulement d'ordre temporel.

Les cornes de Bélier, note Guénon, sont de caractère solaire.

Soleil et lune, eau et feu apparaissent conjointement dans les croyances des Dogon bien qu'elles soient le plus souvent imprégnées d'un symbolisme lunaire, avec le mythe d'un bélier céleste, portant entre ses cornes une Calebasse (Courge) , qui n'est autre que la matrice solaire. Ses cornes, qui sont des testicules, servent à maintenir cette calebasse, qu'il féconde au moyen d'un pénis dressé sur son front, tandis qu'il urine les pluies et les brouillards qui descendent féconder la terre. Ce bélier se déplace sur la voûte céleste avant les orages, pendant la saison des pluies. C'est le bélier d'or, mais sa toison est faite de cuivre rouge, symbole de l'eau fécondante. Dans une variante du mythe, elle est faite de feuilles vertes - où l'on retrouve l'analogie symbolique des couleurs vert et rouge.
Les cornes, dans l'analyse contemporaine, sont considérées aussi comme une image de divergence pouvant, à l'égal de la fourche, symboliser l'ambivalence et, à ce titre, des forces régressives: le diable est représenté avec des cornes et des sabots fourchus. Mais, en revanche, elles peuvent aussi être un symbole d'ouverture et d'initiation, par exemple dans le mythe du bélier à toison d'or.

Le dieu Amon (en égyptien Amun ) a été, dans des temps encore plus reculés, représenté dans l'oasis de Siwa avec des cornes de bélier: c'est de là que certains fossiles, qui affectent la même forme, les ammonites (cornes d'Amon), tirent leur nom. Après une visite au temple de Siwa, Alexandre le Grand se présenta, muni de cette parure de cornes comme on peut le voir sur de nombreuses effigies, comme le "fils de Zeus-Amon".

Kernunnos : Sur le chaudron de Gundestrup, on voit Cernunnos assis en tailleur, qui tient d’une main le serpent à tête de bélier (symbole de la prospérité terrienne et de la force agressive),
Mercure : Mercure, dieu antique du Commerce et de l'Industrie, symbolise la prospérité et les métiers du négoce. Il tient à la main le caducée, en qualité de messager des dieux, et passe également pour le symbole même du profit, en tant que dieu des voleurs. Ses sandales et sa coiffe ailées indiquent sa rapidité. Sous le nom de Psychopompe ("conducteur des âmes"), il symbolise le voyage des âmes vers l'Au-delà ; sous celui Criophore ("portant un bélier"), il représente la quintessence du "bon berger".

Vache : Symbole du nuage des eaux célestes, la vache qui se défait au ciel se reforme sur la terre, grâce à la nourriture que la pluie rend abondante. Elle joue donc un rôle analogue à celui du bouc et du bélier célestes.

Alliance : Jean Daniélou, analysant le sens de l’Alliance, précise comment l’alliance est symbolisée par une victime partagée. Sur l’ordre de Yahvé, Abraham prend une génisse, une chèvre, un bélier, une tourterelle, un pigeon et les coupe en deux.

Serpent : Divinité des nuages et des pluies fertilisantes, le serpent s’annexe parfois les pouvoirs du bélier.- c’est le serpent criocéphale, fréquent dans l’iconographie celtique et surtout gauloise ;

Glouton : . Le t’ao-t’ie était un monstre anthropophage, tenant du hibou et du bélier, mais représenté peut-être aussi parfois sous la forme d’un double dragon stylisé.

Rouge : Ce rouge, on le voit, est matriciel. Il n’est licitement visible qu’au cours de la mort initiatique où il prend une valeur sacramentelle : les initiés aux mystères de Cybèle étaient descendus dans une fosse, où ils recevaient sur le corps le sang d’un taureau ou d’un bélier, placé sur une grille au-dessus de la fosse et rituellement sacrifié au-dessus d’eux, tandis qu’un serpent allait boire à même la plaie de la victime.

Balance : On peut souligner ici que le signe zodiacal de la balance est abordé à l’équinoxe d’automne ; à l’équinoxe de printemps commence celui du Bélier ; à ces dates, le jour et la nuit s’équilibrent.

Tête : Amon-Ra, le dieu égyptien, est représenté souvent le corps peint en vert, avec quatre têtes de bélier ; ce qui signifierait selon Champollion l’esprit des quatre éléments, l’âme du cosmos. Suivant Horapollon : deux têtes accouplées l’une d’homme, l’autre de femme, étaient en Egypte un symbole de protection contre les mauvais génies.

Constellation : Il préconisait de baptiser le Zodiaque par les noms des 12 apôtres (le Bélier s’appelant saint Pierre, le Taureau saint André, etc.)

Mystères romains : Nous remarquerons aussi qu’un dieu qui présidait à tous les commencements : Janus et qui a donné son nom à januarius, “ janvier ”, le premier mois de l’année qui voit la renaissance du Soleil, était honoré le 9 janvier, jour où le Rex Sacrorum, chef de la hiérarchie sacerdotale, au nom du roi, offrait à ce dieu un bélier. Or les attributions magiques de Janus montrent sa haute antiquité. On trouve sa louange en tête des fragments qui restent du vieux chant des étranges prêtres-danseurs de Rome, les saliens : “ Tu es sancus Janus ”.

Mystères des civilisations antiques : Ce monde virtuel où “ le dieu dort ”, ce monde des “ eaux abyssales ”, ce monde des poissons dont les prêtres portent les attributs sur le dos, car il est “ derrière le temps ”, au-delà ou en-deçà de l’humanité actuelle, est rendu réel par l’organisateur divin, le feu incarné depuis le commencement du monde, le “ divin bélier ”, l’étincelle solaire, l’énergie créatrice. Les symboles de cette incarnation de la flamme de l’eau primordiale correspondaient à des rites égyptiens qui, à notre avis, attestent l’influence de la cosmogonie sumérienne archaïque et permettent ainsi de résoudre l’énigme posée aux archéologues par la présence du monument mystérieux par excellence : le célèbre sphinx de Giseh.

Un héritage de Sumer : L’arbre sacré de Phtah

De même, dans la religion égyptienne, un autre héritage archaïque était sans doute l’adoration des arbres sacrés. A Memphis, on ne cessa jamais depuis les plus anciennes dynasties de rendre un culte à un arbre funéraire, au sud du temple de Phtah. Les divinités devaient y pourvoir en eau et en aliments les morts ensevelis sous leur protection. Ces croyances rappellent tout à fait les mythes sumériens de l’arbre “ planté sur les rives saintes de l’Euphrate ”, culte associé à celui du dieu En-ki et que l’on retrouve dans les tombes royales antédiluviennes de la ville d’Ur, avec l’image du bélier dont les pattes de devant sont attachées à un arbuste et qui évoque, très curieusement, le bélier “ pris dans le fourré ” de l’histoire biblique d’Abraham.
Tous ces faits archéologiques suffisent, pensons-nous, à justifier notre thèse d’une influence mésopotamienne archaïque sur la religion égyptienne et, par l’intermédiaire de celle-ci, sur les mystères des civilisations antiques, notamment sur les cérémonies initiatiques des sanctuaires de la Crète et de la Grèce. La transmission de ces conceptions cosmogoniques fondamentales s’est effectuée aussi bien à l’est, vers l’Inde, que dans le bassin méditerranéen. On en retrouve les traces jusqu’à une époque relativement récente. Nous n’en citerons qu’un curieux exemple, celui d’un ouvrage d’un grand érudit de la Renaissance : Scaliger. Celui-ci dans ses “ Remarques sur Manilius ” étudie trois sphères zodiacales qu’il nomme indienne, persienne et barbarique. Or, dans la sphère indienne, à la place occupée par le Capricorne, on trouve un bélier et un poisson, c’est-à-dire le symbole archaïque du dieu mésopotamien En-ki (Ea) qui dominait ainsi le signe zodiacal de la Nativité chrétienne et du dieu romain Janus, maître des portes de l’année, dont le double visage présidait aux cérémonies de l’initiation. Enfin, les témoignages unanimes des philosophes et des historiens de l’antiquité grecque et romaine, suffiraient, à eux seuls, à montrer que la première source des mystères doit être située en Mésopotamie et en Egypte.
C’est ainsi que Jamblique atteste que les mystères égyptiens et assyriens l’emportent sur les mystères grecs, grâce à leurs langues qui ont été données aux hiérophantes par les dieux eux-mêmes. Ce passage nous semble particulièrement important, car il nous permet de comprendre pourquoi Pythagore, Platon et les rois grecs, après avoir été initiés dans leur pays d’origine, devaient aller recevoir des connaissances nouvelles en des sanctuaires étrangers qui conféraient probablement certains droits politiques dans les cités où se tenaient les cérémonies des mystères.
Toutefois, il convient d’ajouter que les mystères antiques ont eu, en général, une autre source que l’influence mésopotamienne ou égyptienne. Cette seconde cause de leur formation a été l’ensemble des rites magiques archaïques locaux qui existaient, sans doute, en Grèce comme en Italie depuis la préhistoire, et qui ne devaient pas être très différents de ceux que nous pouvons observer maintenant dans les cérémonies d’initiation des sociétés secrètes primitives. Il semble, par exemple, que les mystères pélagiques archaïques ou ceux du culte dionysiaque présentent de nombreux points de ressemblance avec les rites africains que nous avons précédemment décrits. Là encore, selon le témoignage de Diodore de Sicile, nous retrouvons l’influence des forgerons initiateurs :
“ Quelques-uns rapportent que les Dactyles idéens habitèrent l’Ida de Phrygie et qu’ils passèrent avec Minos en Europe ; comme ils accomplissaient des prodiges, ils s’adonnèrent aux indications, aux initiations (télété) et aux mystères, et, étant demeurés à Samothrace, ils frappèrent de stupeur les habitants... Orphée devint leur disciple et, le premier, apporta chez les Hellènes les initiations et les mystères. ”

- bélier ” sumérien, lequel, dans sa manifestation ultérieure, devient l’animal fécondateur par excellence : le taureau, “ le père des semences ” qui, à Ur comme en Egypte, avec le culte d’Apis, est relié au thème mythique de la royauté divine.

Bélier

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Ardent, mâle, instinctif et puissant, le bélier symbolise la force génésique qui éveille l’homme et le monde et assure la reconduction du cycle vital, au printemps de la vie comme à celui des saisons. C’est pourquoi il allie la fougue et la générosité à une obstination qui peut conduire à l’aveuglement. Tel l’entendent bien les astrologues pour lesquels le signe du Bélier - qui franchit le soleil tous les ans le 21 mars, jour de l’équinoxe de printemps - est une représentation cosmique de la puissance animale, ou animante, du feu, à la fois créateur et destructeur, aveugle et rebelle, chaotique et prolixe, généreux et sublime, qui, d’un point central, se diffuse dans toutes les directions. Cette force ignée s’assimile au jaillissement de la vitalité première, à l’élan primitif de la vie, avec ce qu’un tel processus initial a d’impulsion pure et de brute, de décharge irruptive, fulgurante, indomptable, de transport démeusuré, de souffle embrasé. On est en présence, dit la tradition hermétique, d’un verbe dont les sonorités sont en rouge et or, en affinités astrales avec Mars et le Soleil. Un verbe essentiellement agressif qui correspond à une nature tumultueuse, bouillonnante, convulsive. L’astrologie assimile un caractère humain à chaque signe zodiacal, mais en précisant qu’il ne suffit pas d’être né dans le mois zodiacal, ni qu’il est nécessaire d’y être né pour ressembler au type de ce signe. Or, le type Bélier appartient au Colérique (émotif-actif-primaire) de la caractérologie moderne avec sa vitalité incandescente, son ardeur à vivre à bride abattue, dans le tumulte et l’intensité, les émotions fortes, les sensations violentes, les dangers, les prouesses, les chocs d’une existence suractivée.

Ces caractéristiques sont attestées de par le monde à travers de nombreux mythes, coutumes et images symbolisantes. Ainsi Amon, divinité égyptienne de l’air et de la fécondité, plus tard reconduit sous le nom de Jupiter-Amon, est-il représenté avec une tête de bélier, tout comme Hermès-Kriophore, ou porteur de bélier, qui était célébré dans un temple de Béotie pour avoir détourné une épizootie en portant un bélier sur ses épaules autour de la ville pour en écarter le fléau. Des rites pastoraux identiques faisaient adorer par les Doriens Apollon-Karneiros, dieu du bélier, également célébré à Sparte pour écarter les fauves, protéger les troupeaux, éduquer les bergers. Sans doute ces rites et croyances méditerranéennes sont-elles à l’origine du Christ bon pasteur et des nombreuses représentation chrétiennes de bergers portant un agneau ou un bélier sur leurs épaules. Le Bélier deviendrait alors une variante de l’Agneau de Dieu, qui s’offre à la mort pour le salut des pêcheurs, et le symbole non seulement du Christ mais des fidèles qui, après lui et en lui, acceptent la mort expiatrice, ceci dans une sublimation de la symbolique du feu, du sang et de la fécondité régénératrice.

On pourrait multiplier à l’infini les exemples. Ainsi Knoum, le Dieu potier qui, selon les croyances de l’Egypte ancienne, a modelé la création, est le Dieu bélier par excellence, le bélier procréateur. Des béliers momifiés ont été retrouvés en abondance. En eux résidaient les forces qui assuraient la reproduction des vivants ; leurs cornes entraient dans la composition de plusieurs couronnes magiques, propres aux dieux et aux rois, elles étaient le symbole même de la crainte qui rayonne du surnaturel.

Même symbolique au temps des Ptolémées chez qui, rapporte Jean Yoyote, un prêtre de Mendès, ayant dressé son image dans le temple du Bélier, seigneur de la ville et maître de fécondité, peut compter sur les pèlerins pour prier en sa faveur :

- O vous qui naviguez d’amont en aval pour venir voir les grands béliers sacrés, priez le Dieu en faveur de cette mienne statue.

De la Gaule à l’Afrique noire, de l’Inde à la Chine, même célébration de cette chaîne symbolique associant feu créateur, fertilité, et même, par le truchement de la vie principielle, immortalité.

Ainsi, dans les Veda, le bélier est-il en rapport avec Agni, régent du feu, et notamment du feu sacrificiel. Dans le Yoga tantrique le manipûra-chakra, qui correspond à l’élément feu a pour allégorie le Bélier. C’est enfin, selon la Bâskala-mantra Upanishad, sous la métamorphose d’un bélier que le sage Indra enseigne la doctrine de l’unicité du Principe Suprême:

Je me suis changé en bélier pour ton bonheur.
Tu est parvenu au chemin de la Loi, pour ton bien-être.
Accède donc à ma véritable nature unique.
Je suis la bannière, je suis l’immortalité,
Je suis le lieu du monde, ce qui fût, est et sera.

Le bélier est également la monture de la divinité hindoue Kuvera gardienne du nord et des trésors, ce qui n’est pas sans évoquer la Toison d’Or. Mais si les quêtes de la Toison d’Or sont surtout celles d’un trésor spirituel, c’est-à-dire de la sagesse, elles sont peut-être aussi des ordalies royales (Rammoux). Or dans la Chine ancienne, le bélier participait aux ordalies judiciaires, dans lesquelles il jouait le même rôle que la licorne. A la même époque et dans la même aire culturelle le bélier est aussi parfois la monture d’un immortel (Ko Yeou), voire, comme en Inde, la métamorphose de l’Immortel lui-même. Retenons, quant à l’Afrique noire, parmi d’autres témoignages, celui de Marcel Griaule, qui a vu représenté sur le mur d’un sanctuaire, le Bélier Céleste, divinité agraire, dominant un épi de maïs dressé et la queue terminée par une tête de serpent : symbolisme d’une vigoureuse fécondité.

Pour revenir à l’Europe signalons qu’on a trouvé en Gaule de nombreux chenets d’argile cuite et de pierre à tête de bélier, ce qui n’est pas sans relier le symbolisme igné de l’animal et la fécondité familiale. Après la Toison, c’est la Corne du Bélier qui se charge d’une valeur symbolique source d’innombrables coutumes, traditions et images dérivées du même symbolisme original, dont la plus vivace est sans doute la corne d’abondance. L’analyse et la psychologie moderne en savent l’importance, qu’évoque et résume ainsi A. Virel : le bélier générateur du troupeau, est aussi la machine qui permet d’abattre les portes et les murs des villes assiégées, donc d’ouvrir la carapace des collectivités. La forme en spirale de ses cornes ajoute encore une idée d’évolution et renforce la valeur d’ouverture et d’initiation évoquée par le V de toutes les cornes d’animal. Le bélier représente bien l’initiation : il est doué de verbe et de raison. Il symbolise la force psychique sacrée, la sublimation : il vole et sa toison est d’or. Sa force de pénétration est toutefois ambivalente : elle fertilise, blesse ou tue.

Le Bélier (signe zodiacal : 21 mars - 20 avril).

Le Bélier zodiacal correspond à la montée du soleil, au passage du froid à la chaleur, de l’ombre à la lumière ; ce qui n’est pas sans rapport avec les questes de la Toison d’or déjà signalées.
Il est le premier signe du zodiaque, se situant pendant les 30° à partir de l’équinoxe de printemps. La nature s’éveille ici après l’engourdissement de l’hiver, et ce signe symbolise avant tout la poussée du printemps, donc l’impulsion, la virilité (c’est le principal signe de Mars), l’énergie, l’indépendance et le courage. Signe positif ou masculin par excellence. Sa forte influence est défavorable aux femmes, quand il se trouve à l’orient au moment d’une naissance féminine.

Le signe du Bélier - que franchit le soleil tous les ans du 21 mars au 20 avril - est un symbole intimement lié à la nature du feu originel. Il est une représentation cosmique de la puissance animale du feu qui surgit, éclatant, explosif, au premier printemps de la manifestation. Il s’agit d’un feu à la fois créateur et destructeur, aveugle et rebelle, chaotique et prolixe, généreux et sublime, qui, d’un point central, se diffuse dans toutes les directions. Cette force ignée s’assimile au jaillissement de la vitalité première, à l’élan primitif de la vie, avec ce qu’un tel processus initial a d’impulsion pure et de brute, de décharge irruptive, fulgurante, indomptable, de transport démesuré, de souffle embrasé. On est en présence d’un verbe dont les sonorités sont en rouge et or, en affinités astrales avec Mars et le Soleil. Un verbe essentiellement agressif et hypermâle, qui correspond à une nature haletante, précipitée, tumultueuse, bouillonnante, convulsive. L’astrologie assimile un caractère humain à chaque signe zodiacal, mais en précisant qu’il ne suffit pas d’être né dans le mois zodiacal, ni qu’il est nécessaire d’y être né pour ressembler au type de ce signe. Or, le type de Bélier appartient au Colérique (émotif-actif-primaire) de la caractérologie moderne avec sa vitalité incandescente, son ardeur à vivre à bride abattue, dans le tumulte et l’intensité de son instinct, ses émotions fortes, ses sensations violentes, l’activisme de l’existence avec ses dangers, ses prouesses, ses chocs...

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Dans la symbolique astrologique , le bélier, ou mouton mâle, marque le commencement du zodiaque (voir Etoile). Dans l’ordre mésopotamien des signes célestes, celui-ci portait le nom de “ Travailleur salarié ”. La légende grecque décrit quant à elle le bélier comme un animal qui portait jadis la toison d’or et qui amena les enfants royaux Phrixos et Helle au pays de Colchide en leur faisant traverser la mer. En récompense, on le plaça parmi les étoiles, mais sa toison d’or resta dans le pays de Colchide, et c’est pourquoi sa constellation ne luit que faiblement dans le ciel. - Les astrologues rangent le Bélier, ainsi que le Sagittaire et le Lion, parmi les signes du feu ; Mars y a sa maison diurne : sa couleur correspondante est donc le rouge et son métal l’acier. L’améthyste est sa pierre précieuse. Les natifs nés sous ce signe, c’est-à-dire entre le 21 mars et le 20 avril, se caractérisent traditionnellement par des dispositions combatives, par un esprit de contradiction, par une inclination à se dépenser et à aimer ainsi que par un désir ardent de progrès. - Chez les Yorubas, un peuple d’Afrique occidentale (Masson 1998 :ce qui explique peut être le nom camp d’Affrique Leuque faisant référence à cette tribu), le bélier est le symbole et l’attribut du dieu du tonnerre Schango, du porteur de hache ; quant au tonnerre, il est interprété comme le bêlement assourdissant de l’animal. Le dieu de l’orage germanique Thor (Donar, en Germanie du sud) est également mis en relation avec le bélier, de même que le dieu égyptien Knoum et plus tard Jupiter Amon avec ses cornes de bélier ; l’Hermès des Grecs est parfois représenté comme porteur de bélier (Kriophoros) et par là comme un dieu berger. - Dans la symbolique psychanalytique, le bélier est, selon E. Aeppli - par analogie avec le taureau - un symbole des forces créatrices de la nature, mais davantage lié que le taureau aux problèmes de l’esprit. - Dans la Bible, le bélier prend la place d’Isaac lors du sacrifice que le patriarche Abraham s’apprêtait à commettre sur la personne de son fils. Rabbi Hanina ben Dosa raconte que “ pas un reste de l’animal n’a été sacrifié inutilement. La cendre (le brasier ?) était l’élément fondamental du feu qui flamboyait sur l’autel à l’intérieur du temple. Le bélier avait dix tendons. C’est pourquoi la harpe sur laquelle jouait David avait dix cordes. Avec sa toison on fit une ceinture à Elie. Quant aux deux cornes du bélier : le seigneur souffla dans la gauche sur le mont Sinaï, ainsi le son de la trompe devint de plus en plus fort (la trompe désigne l’instrument à vent schofar, fabriqué à partir des cornes du bélier). Mais la droite était plus grande que la gauche et c’est à travers elle qu’un jour, comme il a été écrit, le Seigneur soufflera pour rassembler tous ceux que l’exil aura dispersé. ” (voir Bouc)

BIPENE (HACHE DOUBLE)

La bipène (en grec labrys, d’après un mot issu de la langue antérieure au grec ancien) est constituée d’un manche autour duquel sont symétriquement attachées deux lames. Les charpentiers l’utilisaient comme outil, les ennemis des Grecs comme arme de guerre. Elle jouait notamment un grand rôle dans divers cultes. Il s’agissait probablement à l’origine d’une hache en pierre polie attribuée, selon R. von Ranke-Graves, à la déesse Rhéa ; elle fut ensuite usurpée par les dieux de l’Olympe et elle devint ainsi l’attribut de Zeus (le carreau de la foudre). Elle occupait auparavant une place importante dans le culte de la Crète minoenne : les spéculations sur la forme des deux lames, semblables à demi-lunes, laissent à penser qu’il s’agirait d’un symbole lunaire cherchant également à montrer le caractère à double tranchant de tout pouvoir. Le dessin de la double hache était gravé dans les pierres de taille des palais de la Crète ancienne, peut-être pour rappeler que ces bâtiments étaient protégés par les dieux. L’arme elle-même est sans doute originaire d’Asie mineure et on la retrouve souvent dans les mains des légendaires Amazones. Les recherches consacrées aujourd’hui à la femme et à la féminité ancienne ont établi un lien entre la bipène d’une part et les phases lunaires et le matriarcat d’autre part. La double hache fut ensuite utilisée lors des sacrifices d’animaux et, du temps des Romains, elle était considérée comme l’attribut du dieu-soldat Jupiter Dolichenus. Le dieu des morts étrusque Charun porte un insigne comparable qui est cependant plus proche du marteau. Certaines massues d’Afrique occidentale portée au cours de cérémonies et notamment lors des danses consacrées au dieu du tonnerre Shango (lien en correspondance avec le camp d'Affrique Leuque), rapellent également par leur forme les haches doubles des anciens cultes de la Méditerranée orientale. C’est aussi le cas d’un objet cultuel représentant le dieu de la foudre et du tonnerre, Xangô, lors du rituel afro-brésilien du Candomblé – la bipène en bois Oxé -, tandis que les cultes des Yorubas se perpétuent sous une forme un peu différente sur le continent américain.

Boiteux

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Lorsqu’ils ne sont pas unijambistes, les maîtres du feu et de la forge sont boiteux, pratiquement dans toutes les mythologies. Cette infirmité les fait participer de l’Impair avec toute l’ambiguïté - sacré gauche et sacré droit, divin et diabolique - que sous-entend ce mot. La perte leur intégrité physique est le plus souvent considérée comme le prix dont ils payent leur connaissance extra-humaine et le pouvoir qu’elle confère. - Héros ou/et voleurs, ils ont éveillé comme Prométhée la jalousie du Dieu suprême, qui les a marqués dans leur chair d’une sanction analogue au paiement d’une rançon. Tel est le cas, dans de nombreuses mythologies, de héros civilisateurs. Et pourtant numero Deus impari gaudet... (Dieu se réjouit de l’impair). Bien humain paraît, somme toute, ce Dieu qui jalouse celui qui le réjouit. Lesage a fait une malicieuse utilisation de ce symbole avec son Diable boiteux qui ne manque ni de vérité ni de subtilité.

Boiter est un signe de faiblesse, d’inachevé, de déséquilibre. Dans les mythes, légendes et contes, le héros boiteux suggère un cycle qui peut s’exprimer par la fin d’un voyage et en annoncer un nouveau. Le boiteux évoque le soleil déclinant, ou encore le soleil de la fin et du commencement de l’année (solstice d’hiver).

Quant Apulée décrit la Descente aux Enfers, il précise : Quant une bonne partie de la voûte infernale sera faite, tu rencontreras un âne boiteux chargé de fagots et un ânier qui boite comme lui. Qu’il s’agisse d’un dieu, d’un roi, d’un prince, d’un danseur ou d’un ânier, le symbole reste identique ; on le retrouve encore dans les danses à pas boités. Le boiteux exerce souvent le métier de Forgeron ; or, le forgeron exécute des glaives, des sceptres, des boucliers, symbolisant les membres du soleil, ses rayons. Oeuvre toujours inégale à celle d’un Dieu, d’un démiurge et du soleil.

Si le pied est un symbole de l’âme, un défaut dans le pied ou dans la marche révêle une faiblesse de l’âme. C’est d’ailleurs ce qui ressort de tous les exemples mythologiques et légendaires où se retrouvent des boiteux. Si Achille, sans être boiteux, est vulnérable au talon, c’est en raison de sa propension à la violence et à la colère, qui sont faiblesses de l’âme. Boiter, du point de vue symbolique, signifie un défaut spirituel. Ce défaut n’est pas nécessairement d’ordre moral ; il peut désigner une blessure d’ordre spirituel. C’est ainsi que la vision de Dieu comporte un danger mortel et peut laisser comme une blessure, symbolisée par la claudication, dans l’âme de ceux qui n’ont bénéficié qu’un court instant cette vision. C’est ce qui est arrivé à Jacob, à la suite de son combat héroïque avec Dieu. Il explique lui-même qu’il devint boiteux, parce qu’il avait vu Dieu: Genèse 32, 25-32

25 Voyant qu'il ne le maîtrisait pas (pouvait vaincre), cet homme le frappa à l'emboîture de la hanche; et l'emboîture de la hanche de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lui.
26 Il dit: Laisse-moi aller, car l'aurore se lève. Et Jacob répondit: Je ne te laisserai point aller, que tu ne m'aies béni.
27 Il lui dit: Quel est ton nom? Et il répondit: Jacob.
28 Il dit encore: ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël ; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur.
29 Jacob l'interrogea, en disant: Fais-moi je te prie, connaître ton nom. Il répondit: Pourquoi demandes-tu mon nom? Et il le bénit là.
30 Jacob appela ce lieu du nom de Peniel; car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée.
31 Le soleil se levait, lorsqu'il passa Peniel. Jacob boitait de la hanche.
32 C'est pourquoi jusqu'à ce jour, les enfants d'Israël ne mangent point le tendon qui est à l'emboîture de la hanche; car Dieu frappa Jacob à l'emboîture de la hanche, au tendon.

Héphaïstos (Vulcain) est un dieu boiteux et difforme. Comme Jacob après sa lutte avec Yahvé, Héphaïstos est devenu boiteux après un combat avec Zeus pour défendre sa mère. Dans l’Olympe, il est le forgeron, le dieu du feu. Son infirmité n’est-elle pas le signe qu’il a vu, lui aussi, quelque secret divin, quelque aspect caché de la divinité suprême, ce dont il demeure éternellement blessé ? Ce qu’il a vu, n’est-ce pas le secret du feu, le secret des métaux, qui peuvent être solides ou liquides, purs ou alliés et se transformer en armes, aussi bien qu’en socs? Il a dû payer cette connaissance, ravie au ciel, de la perte de son intégrité physique. Dans beaucoup d’autres mythologies, nous retrouvons des dieux forgerons, Varuna, Tyr, Odin, Alfödr, les dieux qui connaissent les secrets du feu et du métal en fusion, les dieux magiciens ; ils sont boiteux, borgnes, manchots, estropiés. La perte de leur intégrité physique est comme le prix de leur science et de leur pouvoir, comme un rappel aussi du châtiment qui menace toute démesure. Prenez garde de ne pas mesurer de ce pouvoir magique : le Dieu suprême est jaloux, il laissera sur vous la marque de sa puissance, le signe que vous lui restez soumis.

La claudication symbolise la marque au fer rouge de ceux qui ont approché la puissance et la gloire de la divinité suprême, mais l’incapacité de rivaliser avec le Tout Puissant.


Calebasse

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Symbole féminin et solaire chez les Dogon, dont le système symbolique est à prédominance solaire. C'est un substitut du vase de terre cuite, matrice du soleil, autour duquel s'enroule la spirale de cuivre rouge à huit tours qui est le symbole de la lumière, du verbe, de l'eau, du sperme, des principes fécondants. Le bélier mythique, premier fils du soleil, porte entre ses cornes une calebasse, peinte de l'huile rouge du sa, qui n'est autre que la matrice solaire. Ce bélier, représentation du principe eau-terre, féconde la calebasse matricielle par un sexe érigé sur son front. Le Nommo, dieu d'eau, grand démiurge de la cosmogonie des Dogon, se présente parfois sur la terre sous la forme d'une calebasse. La famille des plantes associées au calebassier est liée aux notions d'espace, d'étendue et de commerce ; la calebasse est l'image du corps entier de l'homme, et du monde dans son ensemble.

Chaudron

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Le chaudron est un vaisseau de métal dans lequel on fait chauffer, bouillir ou cuire. Ce qu'on y fait, c'est avant tout le Bouillon et les confitures, mais aussi les cuisines magiques et démoniaques: d'où les chaudières du diable et les chaudrons de sorcières de nos légendes. Le chaudron, c'est aussi, chez les Celtes, l'équivalent de la Corne , du vase ou de la Jarre en d'autres lieux: c'est le chaudron d'abondance dispensant une nourriture inépuisable, symbole d'une connaissance sans limites.

La littérature celtique décrit trois types de chaudrons:

1) Le chaudron du Dagda, le dieu-druide, le Dieu Efficace-Seigneur de la science possédait comme arme une lance. C'est un chaudron d'abondance que personne ne quitte sans être rassasié. Il contient non seulement la nourriture de tous les hommes de la terre, mais toutes les connaissances de tout ordre. Kerridwen, la déesse des poètes, des forgerons et des médecins, possédait aussi son chaudron, qui était un centre d'inspiration et de pouvoirs magiques.

2) Le chaudron de résurrection dans lequel, selon le récit gallois du Mabinogi de Brawen, on jette les morts afin qu'ils ressuscitent le lendemain.

3) Le chaudron sacrificiel. Le roi déchu s'y noie dans le vin ou la bière, en même temps qu'on incendie son palais, lors de la dernière fête de Samain (voir nuit) de son règne.

On a affaire à trois variantes du même talisman divin, ancêtre et prototype du Saint-Graal. En Gaule, les témoignages tardifs des Scholies Bernoises (IXe siècle), recopiant presque certainement des sources antérieures perdues, mentionnent un semicupium dans lequel on noyait rituellement un homme, en hommage à Teutatès.

Précisons que le chaudron d'abondance de Dagda, le Dieu Efficace-Seigneur de la science, contient non seulement la nourriture matérielle de tous les hommes de la terre, mais toutes les connaissances de tout ordre. On peut ajouter également Kerridwen, la déesse des poètes, des forgerons et des médecins, possédait aussi son chaudron, qui était un centre d'inspiration et de pouvoir magiques.

La majorité des chaudrons mythiques et magiques des traditions celtiques (leur rôle est analogue dans les autres mythologies indo-européennes) ont été trouvés au fond de l'Océan ou des lacs. Le chaudron miraculeux de la tradition irlandaise, Murios, tire son nom de muir, la mer. La force magique réside dans l'eau ; les chaudrons, les marmites, les calices sont des récipients de cette force magique, souvent symbolisée par une liqueur divine, ambroisie ou eau vive ; ils confèrent l'immortalité ou la jeunesse éternelle, transforment celui qui les possède (ou qui s'y plonge) en héros ou en dieu.

Le chaudron, c'est le vase ting des Chinois, vase rituel où faire bouillir les offrandes, mais aussi les coupables - à titre de condamnation - et même les accusés - à titre d'ordalie. Le caractère ting et l'hexagramme du Yi-king qu'il désigne figurent expréssément la chaudière. Elle est, dit le Yi-king, symbole de bonheur et de prospérité: nous retrouvons la notion de chaudron d'abondance. Suivent des interprétations, en forme de proverbes, qui traitent de la discrimination du bien et du mal (par renversement de la chaudière), de l'échec ou de la réussite de la cuisson, laquelle apparaît comme une image du Grand Oeuvre alchimique: Quand la chaudière a un pied cassé, le bouillon du Seigneur se renverse. Or ce bouillon est la quintessence même de sa Vertu. Le premier chaudron tripode fut fondu par Jouang-ti, qui en obtint le pouvoir de divination, de fixation des cycles, et finalement l'immortalité. Les tripodes apparaissent en même temps que les sages ; ils disparaissent, si la vertu s'altère. Yu-le-Grand, organisateur de l'empire, fondit neuf chaudrons avec le métal apporté des neuf régions: ils symbolisaient l'union de ces neuf régions en leur centre (cinq étaient yang et quatre yin), donc la totalité du monde ; ils se déplaçaient seuls et bouillaient spontanément ; ils recevaient par le haut l'influence du Ciel. Lors de la décadence des Tcheou, les tripodes s'enfoncèrent dans l'eau, les vertus, les connaissances s'étant perdues. Le premier empereur, Ts'inche houangti, tenta d'en retirer un de la rivière Sseu: il en fut empêché par un dragon. Sa vertu n'était pas de celles qui permettent d'obtenir les chaudrons.

L'alchimie interne (nei-tan) fait du corps humain le chaudron tripode, où s'élabore l'élixir de l'immortalité. Plus précisément, le chaudron correspond au trigramme k'ouen, la Terre, le principe passif, le réceptacle: à la fois le champs de cinabre inférieur (hia tant'ien) et la base du symbolisme alchimique.

Le chaudron magique, dont le symbolisme s'apparente à celui du Mortier , joue un grand rôle dans les mythes et les épopées des peuples ouralo-altaïques, et de toute l'Asie chamanique. Kazan (Chaudron) est le nom de nombreux héros, les uns historiques, les autres légendaires, des peuples turcs ; ce fut aussi, à plusieurs reprises, un nom de ville: Kazan, capitale de la Horde d'or, Kazan des Tatares de la Volga, etc. Le géant Samïr-Kazan, ou Salir-Kazan, des Turcs Baraba et Tara, semble être le maître des eaux profondes et lutte, dans certaines versions, avec le héros Ak-Köbök, Ecume-Blanche. Dans l'épopée khirghize de Er Töshük, le héros est obligé par le Géant Bleu, (Masson : amon était représenté en bleu) maître du monde souterrain, de partir à la recherche du Chaudron magique à quarante anses, chaudron vivant, doué d'une âme, si assoiffé de sang qu'il dévore tous ceux qui osent l'approcher. D'après les traditions des savants, si l'on se réfère à l'avis des sages, une des anses de ce chaudron est un Dragon suceur de sang - une autre renferme les sept fléaux de Dieu qui embrasent le monde entier ; une autre anse se redresse et, à la furie qu'elle manifeste, ceux qui sont venus l'affronter ont pensé voir la mort en personne. C'est en définitive Tchal-Kouyrouk, le cheval magicien du héros qui sauvera son maître de cette épreuve, en plongeant pour attaquer et vaincre le Chaudron magique au fond du lac du Pays-sans-retour.

Le chaudron se retrouve dans maintes légendes helléniques: la cuisson dans un chaudron est une opération magique destinée à conférer à celui qui subit cette épreuve des vertus diverses, à commencer par l'immortalité. Dans tout cela, nous sommes en présence d'un mythe à caractère nettement initiatique, explicatif et interprétatif des périls qui menacent les enfants ou les adolescents, donc solidaire de pratiques très archaïques. D'autres légendes grecques, toutefois, présentent le passage dans le chaudron comme une sorte d'ordalie qui décidera de la nature divine du sujet: Quant à Thétis... désireuse de savoir si les rejetons qu'elle a eus de Pélée sont mortels, comme lui, elle les plonge dans une bassine ou un chaudron plein d'eau où ils périssent par noyade, ou, selon d'autres, dans un chaudron d'eau bouillante, dont, naturellement, ils ne se ressentaient pas mieux. Quant à Médée, enfin, elle faisait cuire le vieux Pélios dans un chaudron sous le fallacieux prétexte de lui rendre la jeunesse. Le chaudron symbolise le lieu et le moyen de la revigoration, de la régénérescence, voire de la résurrection, bref, des profondes transmutations biologiques. Mais l'ambivalence du symbole fait aussi du chaudron un prélude, par la mort et la cuisson, à la naissance d'un être nouveau.

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L'un des plus anciens ustensiles culinaires connus, le chaudron a longtemps tenu une place prépondérante dans les divers rites qui accordaient de l'importance à la préparation des repas sacrés: repas au cours desquels s'accomplit le destin (c'est dans un chaudron, par exemple, qu'Atrée, le roi de Mycènes, fait cuire la chair de ses neveux pour en faire manger à leur père, son jumeau Thyeste), ou, plus généralement, repas qui sont une introduction à des cérémonies équivalentes à celles de la communion chrétienne. C'est ainsi qu'on connaît des chaudrons hindous ou chinois, le chaudron celte où bouillait le liquide de la prophétie (c'est après avoir bu trois gouttes du chaudron de la déesse-mère Cerridwenn que le jeune Gwyon-Bach est illuminé et devient le grand barde gallois Taliesin), ou les chaudrons de l'Edda où l'on préparait tous les jours la nourriture des nobles guerriers défunts. Les chaudrons qui servaient aux sacrifices et dans lesquels on recueillait le sang des victimes, passaient pour des chaudrons de régénération et étaient un symbole de renaissance (chaudron de Gundestrup au Danemark). Comme l'écrit Gilbert Durand: "Un symbolisme complexe sera donc l'apanage d'un ustensile universellement utilisé, si universellement valorisé. C'est ce que montre l'étude du Graal: à la fois plat chargé de nourritures d'un repas rituel, Vase de régénérescence redonnant vie au Roi pêcheur, enfin yoni, calice féminoïde où s'enfonce le glaive mâle et d'où ruisselle le sang." D'après les plus récentes recherches sur l'histoire des religions, il semble bien, en effet, que le thème du Graal ait un rapport avec celui du chaudron des Celtes, alors que le chaudron des sorcières, où bout leur brouet, est au contraire associé aux images de la mort et du Diable. - En Chine, le chaudron est d'abord un vase rituel (ting) où l'on prépare les offrandes et qui est associé à la notion de prospérité. Par extension de sens, le chaudron finit par rejoindre le domaine alchimique, dans un parallèlisme évident avec l'alembic de l'adepte occidental. Comme chez les Celtes, mais sans qu'il y ait apparemment aucun rapport, le chaudron est aussi instrument de divination (légende de Youang-ti), de même que d'immortalité.

Myth

La marmite du Père Suprême joue un rôle primordial dans la fête de l’Autre Monde. La littérature en offre plusieurs versions comparables. A la fête de Goibniou, le dieu du Monde Souterrain est le forgeron divin. Ceux qui mangent et boivent à sa table jamais ne vieillissent ni ne meurent. Il y a aussi le chaudron de Da Derga, qui bout en permanence pour les Irlandais. Le chaudron du Dagda, étant celui du Père Suprême, peut être considéré comme l’archétype de tous les autres.

Le chaudron du Dagda est une source d’abondance: “ Aucune assemblée ne partit jamais sans être rassasiée. ” Dans le récit de la Seconde Bataille de Mag Tuired, il est question d’une humiliation infligée au Dagda. Durant une trêve avec le Dagda, les Fomoires préparent pour lui un immense plat de porridge, sachant que c’était sa nourriture préférée. Leur intention était de le ridiculiser. Ils remplirent le chaudron avec quatre-vingts mesures de Lait frais, autant de farine et de graisse, ainsi que des chèvres, des moutons et des pourceaux. Ils firent ensuite bouillir cette mixture et la versèrent dans un trou creusé à même le sol. Ils ordonnèrent ensuite au Dagda de tout manger, sous peine de mort. Le dieu avala ce repas, racla les restes avec ses doigts, puis s’endormit. A son réveil, il vit une belle jeune fille mais ne put faire l’amour avec elle, tant son ventre était gonflé par le “ porridge ”.

Le chaudron de Gundestrup, récipient en argent de 36 cm de haut qui servait lors des fêtes rituelles, a été trouvé en cinq morceaux dans une tourbière du Jutland. Il existe également un chaudron de la Renaissance dans la littérature galloise, notamment dans l’histoire de Branwen, fille de Llyr. Les cadavres des guerriers morts sont placés dans un récipient sous lequel on allume du feu et, le lendemain matin, ils en ressortent aussi farouches qu’avant, à cette différence près qu’ils ne peuvent plus parler.

Le chaudron du récit est d’origine Irlandaise mais non pas le chaudron de la Renaissance bien que cette idée soit proche de la croyance Irlandaise qui consiste à ramener les morts à la vie en les plongeant dans un fossé rempli de lait, ou en le jetant dans un puits au-dessus duquel on psalmodiait des incantations.

GAULE Mythologie

Les comparaisons que l’on a pu faire entre le plus complet et le plus expressif des monuments religieux de la période indépendante, le chaudron de Gundestrup, et les plus anciens documents gallo-romains (le pilier des Nautes de Paris, la triade de Saintes, le pilier de Mavilly) ont permis de restituer un cycle mythologique gaulois. Le récit légendaire ainsi reconstitué met en scène une grande déesse-mère qui est le personnage principal et qui épouse successivement le dieu du ciel, Taranis, et le dieu de la terre, Esus (Masson : le mot Esus est si proche de Jesus !). Ce dernier apparaît, suivant les saisons, tantôt sous une forme humaine et sous le nom d’Esus, tantôt sous la forme d’un monstre hybride, moitié homme moitié cerf, Cernunnos. En tant qu’Esus, le dieu est celui de la végétation et l’époux printanier de la déesse-mère ; en tant que Cernunnos, il est le dieu des enfers, des morts et de la richesse. Il est devenu, à la fin de l’hiver, l’amant de la déesse-mère qui a quitté Taranis et ses chiens redoutables pour le rejoindre sous la terre. Encouragé et soutenu par la déesse-mère, le compagnon et protecteur d’Esus, le héros Smertrius, qui a été assimilé à l’Hercule romain, tue le molosse de Taranis, suivant un mythe qui rappelle le triomphe d’Héraclès sur le lion de Némée ou sur Cerbère. Pour se venger, le dieu du ciel envoie un autre chien contre la déesse-mère et la transforme, elle et ses deux acolytes, en trois grues. Celles-ci recouvrent la forme humaine grâce à Hercule-Smertrius qui sacrifie, pour assurer leur nouvelle métamorphose, les trois taureaux divins découverts par les Dioscures avec l’assistance d’Apollon. Smertrius aura également permis à Cernunnos, par le sacrifice d’un cerf, de revenir sous la forme humaine afin de retrouver la déesse-mère et de l’épouser.
Il s’agit là d’un cycle mythologique qui commandait les fêtes saisonnières, chacun des épisodes étant célébré à date fixe par des cérémonies religieuses. Quelques textes de la fin de l’Antiquité et du haut Moyen Âge renseignent sur les coutumes païennes des fêtes calendaires, notamment sur les déguisements en cerfs et en biches, ainsi que sur certains usages du folklore. Chacune de ces fêtes saisonnières correspondait à un épisode de la légende. Ainsi, la célébration de la descente de la déesse-mère et de ses compagnons aux enfers trouve son prolongement dans des usages locaux du réveillon de Noël, comme la “ nuit des Mères ” célébrée en Rhénanie au cours du haut Moyen Âge (la famille passait la nuit en réjouissances ; autour de la table de festin étaient ménagées trois places destinées aux mères pour qu’elles s’y asseyent et prennent part au festin). D’autre part, le sacrifice du cerf et le retour d’Esus sur la terre étaient célébrés par des mascarades et des danses, qui se sont d’ailleurs perpétuées jusqu’à nos jours dans les fêtes du carnaval : hommes et femmes se déguisaient en taureaux et en génisses, ou en biches et en cerfs, et se livraient à des danses plus ou moins lascives pendant des jours entiers. C’était pour célébrer la renaissance d’Esus. Il n’est pas jusqu’à l’hiérogamie d’Esus, succédant au sacrifice des taureaux et figurant sur le pilier des Nautes de Paris, qui ne trouve son correspondant inattendu dans les festivités, encore vivantes au début du XXe siècle, de la mi-carême parisienne, avec sa cavalcade, son bœuf gras et sa reine des reines.
Cette théorie nouvelle jette une vive lumière sur un grand nombre de figurations religieuses gauloises et gallo-romaines, et permet de retrouver la continuité du fonds celtique, car certaines représentations datant du premier âge du fer (Hallstatt) et du deuxième âge du fer (La Tène) se rapportent manifestement aux mêmes rites et aux mêmes usages : sacrifices de cerfs, représentés sur des situles hallstattiennes (seaux en bronze) d’Italie du Nord ; sacrifices de taureaux figurant sur des vases gravés de la zone hallstattienne ; rassemblements armés en l’honneur d’une grande déesse représentés sur le chariot de Strettweg (Carinthie) ; gravures du Val Camonica représentant Cernunnos. Tous ces éléments prouvent que les bases mêmes de la religion gauloise existaient dans le monde hallstattien et dans le monde de La Tène, bien avant l’époque gallo-romaine.

Enclume

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Chez les Bakita ou Banyoro (Nord-Est du Congo, en zone soudanaise), l’enclume est considérée comme une épouse du Forgeron. Elle est transportée à sa case et accueillie par sa première femme, avec le rituel réservé à l’intronisation d’une seconde épouse ; on l’asperge et on procède à des rites pour qu’elle ait beaucoup d’enfants. Elle s’apparente à la féminité, au principe passif, d’où sortiront les oeuvres du forgeron, le principe masculin. En grande Kabylie, l’enclume symbolise l’eau et elle est placée sur un tronçon de frêne ; le frêne représente la montagne, comme l’enclume représente l’eau. Battre l’enclume, c’est arroser la terre. Là encore, elle se révèle comme un principe passif à féconder. Le forgeron, comme la Foudre, sera le principe actif et fécondant.

Forgeron

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Des métiers liés à la transformation des métaux, celui de forgeron est le plus significatif quant à l’importance et à l’ambivalence des symboles qu’il implique. La forge comporte un aspect cosmogonique et créateur, un aspect asurique et infernal, enfin un aspect initiatique. Le premier forgeron est le Brahmanaspati védique qui forge ou plutôt soude le monde: son travail de forge est la constitution de l’être à partir du non-être. La fonte du métal (fondez l’univers et réformez-le équivalent du solve et coagula hermétique) est une notion taoïste essentielle : Le Ciel et la Terre sont la grande fournaise, la transformation est le grand fondeur, écrit Tchouang-Tseu. Chez les Montagnards du Sud-Vietnam, l’oeuvre de création est une oeuvre de forgeron : Bung prend un petit marteau et forge la terre ; il prend un marteau court et forge le ciel. Tian, la Terre, et Toum, le ciel, se marient... L’homme lui-même est parfois forgé, ou du moins ses os, ses articulations. Le forgeron primordial n’est pas le Créateur mais son assistant, son instrument, le fabricant de l’outil divin, ou l’organisateur du monde créé. Tvashri forge l’arme d’Indra, qui est la foudre ; de même Héphaïstos forge celle de Zeus ; Ptah, celle d’Horus ; les nains, le marteau de Thor ; l’engoulement, la hache de Könas. L’arme ou l’outil cosmogonique est le plus souvent la foudre, ou le tonnerre, symboles de l’activité céleste. En outre, le symbolisme de la forge est souvent lié à la parole ou au chant, ce qui nous introduit au rôle initiatique du métier, mais aussi à l’activité créatrice du Verbe. Toutefois la participation symbolique du forgeron à l’oeuvre cosmogonique comporte un danger grave qui est celui de la non-qualification, de la parole satanique, de l’activité défendue. En outre, le métal est extrait des entrailles de la terre ; la forge est en relation avec le feu souterrain ; les forgerons sont parfois des monstres, ou s’identifient aux gardiens des trésors cachés. Ils possèdent donc un aspect redoutable, proprement infernal ; leur activité s’apparente à la magie et à la sorcellerie. C’est pourquoi ils ont souvent été plus ou moins exclus de la société, et pourquoi en tout cas leur travail s’est généralement entouré de rites de purification, d’interdits sexuels, d’exorcismes.

Au contraire, en d’autres civilisations, le forgeron joue un rôle important: détenteur des secrets célestes, il obtient la pluie et guérit les maladies. Il est parfois l’égal du chef, ou du roi, le substitut de l’organisateur du monde. Ne dit-on pas de Gengis Khân qu’il était ancien forgeron ? Mais cet aspect du métier est lié à l’initiation. La forge, dit-on en Chine, entre en communication avec le Ciel ; la maîtrise du feu appelle la pluie, donc l’union de l’eau et du feu qui est le Grand Oeuvre alchimique. Si le poète taoïste Hi K’ang se livre au travail de la forge - et qui plus est sous un saule situé au centre de la cour de sa maison - ce n’est pas par distraction, mais sans doute pour obtenir, au pied de l’Axe du monde, la communication céleste. - Caïn fut peut-être le premier forgeron, Tubalcaïn l’est à coup sûr:

Genèse, 4, 20-22

20 Ada enfanta Jabal: il fut le père de ceux qui habitent sous des tentes et près des troupeaux.
21 Le nom de son frère était Jubal: il fut le père de tous ceux qui jouent de la harpe et du chalumeau.
22 Tsilla, de son côté, enfanta Tubal-Caïn, qui forgeait tous les instruments d'airain et de fer. La soeur de Tubal-Caïn était Naama.

Il est nommé l’ancêtre de tous les forgerons en cuivre et en fer. Son homologue chinois est Houang-ti, l’Empereur jaune, patron des forgerons, des alchimistes, des taoïstes. Son rival Tch’e-yeou est lui-même fondeur, mais fauteur de désordres. Les deux aspects du symbolisme se retrouvent ici, et avec eux les premières traces de confréries initiatiques: Tch’e-yeou forge des armes, instruments de troubles et de mort ; Houang-ti fond le chaudron de cuivre tripode qui lui vaut l’immortalité. D’autre part, la forge des épées est elle-même oeuvre d’initié: sa réussite - par la trempe et l’alliage - est une union de l’eau et du feu, du yin et du yang, reconstitution dans la perfection de l’unité primordiale. Son homologue exact est l’oeuvre alchimique: union de l’essence et du souffle, des trigrammes li et k’an, du mercure et du soufre, de la Terre et du Ciel. C’est bien effectivement le retour à l’état édénique, l’obtention de l’immortalité. Le forgeron Goibniu apparaît dans le grand récit mythique de la Seconde Bataille de Moytura. Aidé des dieux artisans, il forge les armes avec lesquelles les Irlandais remportent la victoire sur les Fomoire ou puissances inférieures et infernales. Il n’est nullement présenté sous un jour défavorable, mais il demeure d’importance secondaire dans le panthéon. César ne le cite pas dans la liste des cinq dieux principaux. Il est aussi le brasseur des dieux chargé de la fermentation de la bière.

Personnage énigmatique des cultures africaines, le forgeron est une figure centrale, campée au carrefour des problèmes que posent ces civilisations.

D’abord il est l’artisan qui fabrique l’outillage en fer dont cultivateur et chasseurs ont besoin: la vie laborieuse du pays dépend de son activité. - Puis il est le seul capable de sculpter les images des ancêtres et des génies qui seront les supports des cultes: il joue donc un rôle dans la vie religieuse.

Il est aussi dans la vie sociale le pacificateur ou le médiateur, non seulement entre les membres de la société, mais aussi entre le monde des morts et celui des vivants. Parfois associé du Démiurge, descendant du ciel les graines et les techniques, il devient le chef des sociétés initiatiques.

En raison de son caractère plus oumoins sacré, il détermine chez les autres des attitudes envers lui qui sont ambiguës ou ambivalentes. Il est tantôt méprisé et craint, tantôt respecté, à des rangs très variés dans les hiérarchies sociales ; il vit souvent à l’écart du village ou dans un quartier réservé, en compagnie de sa femme, la potière qui façonne les pots du soufflet.

L’art de travailler le fer est parfois considéré comme secret royale ou sacerdotal. On a vu des forgerons remplir de hautes politiques, notamment chez les Touareg où les chefs choisissaient des forgerons.

Dans la cosmogonie Dogon, le forgeron est un des huit génies (Nommo) ; il se brise les membres aux articulations, lorsqu’il descend brutalement sur terre avec une arche contenant des techniques, des graines ou semences, des ancêtres humains ou animaux. De là vient qu’il est souvent représenté Boiteux , comme l’Héphaïstos (Vulcain) des traditions grecques et romaines.
Dans l’ensemble, le forgeron apparaît comme un symbole du Démiurge. Mais, s’il est capable de forger le cosmos, il n’est pas Dieu. Doué d’un pouvoir surhumain, il peut l’exercer et contre la divinité et contre les hommes ; il est redoutable, à ce titre, comme un mage satanique. Sa puissance est essentiellement ambivalente ; elle peut être aussi maléfique que bénéfique. De là, la crainte révérencieuse qu’il inspire partout.

Foudre

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Le foudre est une représentation de la foudre qu’on donne pour attribut à Jupiter (et à Indra), et qui consiste en une sorte de grand fuseau, au milieu duquel sortent plusieurs dards en zigzag. Au lieu d’un fuseau, c’est parfois un dard, un trident, ou tout autre forme d’instrument. Virgile décrit un dard enflammé lançant douze rayons, trois de grêle, trois de pluie, trois de feu, trois de vent: toutes les formes et la totalité de l’orage physique ou moral, que symbolise le ou la foudre. Les Cyclopes avaient façonné et poli en partie un de ces foudres que le Père des dieux (l’Ignipotent) lance si souvent de tous les points du ciel sur la terre... Ils y avaient ajouté trois rayons de grêles, trois de pluie, trois de feu rutilant et trois de rapide Auster; maintenant, ils mêlaient à leur ouvrage les éclairs terrifiants, le fracas, l’épouvante et la colère aux flammes dévorantes. La foudre manifeste les volontés et la toute puissance du dieu suprême. Dans cette notice, on ne distinguera pas deux symbolismes de la foudre et du foudre, celui-ci n’étant qu’une figuration de celle-là, feu céleste d’une violence irrésistible. Bipolaire, il symbolise de façon générale le pouvoir créateur et destructeur de la divinité, Civa et Vishnou dans l’hindouisme, Indra dans le védisme, qui réunit les deux valeurs, comme Zeus et Jupiter.

La foudre est de longue date considérée comme l’instrument et comme l’arme divins, notamment entre les mains de Zeus et d’Indra. La foudre est l’arme du Dieu du ciel. Dans toutes les mythologies, l’endroit où le dieu frappe la foudre est sacré, l’homme qu’il foudroie est consacré. Sorte de théophanie jetant l’interdit sur tout ce qu’elle atteint. En outre, les pierres de foudre d’origine néolithique, la hache de pierre de Parashu-Râma, le Marteau de Thor, sont les symboles de la foudre qui frappe et fend la terre. Au même symbolisme se rattachent les dieux Forgerons des T’ou-jen du Kouang-si du Tibet, des Dogon africains. Mais la hache ou le marteau de ces dieux ne brise pas seulement: ils façonnent et fertilisent. La foudre engendre et détruit à la fois, elle est vie et mort: c’est la signification du double tranchant de la hache, des deux extrémités du vajra (foudre) hindoue. La foudre est, d’une façon générale, le symbole de l’activité céleste, de l’action transformatrice du Ciel sur la Terre. Elle est d’ailleurs associée à la pluie, qui représente l’aspect nettement bénéfique de cette action.

Le Yi-king associe le tonnerre à la crainte, à la mesure et à l’équilibre qui en résultent. L’aspect de crainte destructrice est aussi celui de Rudra portant la foudre - et encore, si l’on veut, de Skanda, dont la foudre est l’attribut, et qui personnifie la guerre. Le tonnerre, dit Tchouang-tseu, sort des ruptures d’équilibre du yin et du yang. Par un choc en retour, de telles ruptures au niveau microcosmiques appellent le foudroiement spontané: ce fut le cas de Wou-yi, qui avait tiré sur le Ciel à coups de flèches. Les sociétés secrètes sanctionnent de la même façon certaines fautes. Il est dit en outre que l’orage empêcha Ts’in Che Houang-ti d’accomplir le sacrifice fong sur le T’ai chan: c’est la contestation formelle de sa vertu. Dans les trigrammes du Yi-king, tch’en, qui correspond au tonnerre, est l’ébranlement du monde et la nature: il est le signe du printemps. Dans une perspective du même ordre, le vajra hindou est, tant dans les textes classiques que dans le Tantrisme, identifié au phallus, producteur d’énergie créatrice. - En tant qu’instrument divin, le vajra correspond au Verbe, à l’intellect. Dans l’Inde comme au Tibet (où on le nomme dordje), il est la Méthode, opposée à la Sagesse ou à la Connaissance, que représente la clochette. La foudre du dieu védique Indra adopté par plusieurs divinités tibétaines. Symbolisant les principes masculins, la Méthode (par opposition à la clochette), il est confié au prêtre ou au magicien pour combattre les démons et les vices. Il est symbole de la puissance divine infinie, justicière et bénéfique. Indra est le Dieu porte-foudre:

Le libéral a pris l’arme de jet, le foudre:
il a tué le premier-né des dragons...
déjoué les artifices des maîtres d’artifices,
créant alors le soleil, le ciel, l’aurore,
tu n’as plus désormais rencontré de rival.

Le dragon se croyait l’égal du Dieu ; ce fut sa faute mortelle. Le dragon figure ici la sécheresse qu’Indra, libérant les eaux de son foudre, fait disparaître: il symbolise le principe de fécondité, source de sa royauté sur le monde. Le dragon est le feu desséchant ; la foudre le feu fertilisant.

Le vajra (foudre) est aussi diamant : l’éclair naît souvent, dans les légendes, d’un diamant ou d’une gemme, par exemple au Cambodge. Il est ainsi parfois, dans le Bouddhisme tantrique, l’image du monde adamantin ou de la connaissance, opposé au monde de la matrice ou des apparences, représenté par la clochette. Encore faut-il que le foudre sous l’aspect du double trident n’est pas particulier à l’Inde: on le trouve semblablement figuré dans le monde gréco-romain et le Proche-Orient, avec le sens évident du double pouvoir, créateur et destructeur. - Dans le domaine celtique la foudre est représentée doublement en Gaule: par le nom du dieu Taranis, tonnerre et par le maillet de Sucellus, bon frappeur, surnom fonctionnel du dieu du ciel. En Irlande, l’équivalent de ce maillet est la massue du Dagda, dieu bon, le dieu-druide par excellence, qui tue les gens par un bout et les ressuscite par l’autre. Il faut huit hommes ordinaires pour la porter et elle laisse une trace pouvant servir de frontière entre deux provinces. Elle symbolise de même le pouvoir créateur et destructeur de la divinité. - Selon les traditions amérindiennes: dans le Popol-Vuh, la foudre et l’éclair constituent la Parole de Dieu écrite, par opposition au tonnerre, Parole de Dieu parlée.

Selon un mythe Amuesha, rapporté par Lehmann-Nitsche, la foudre est le père du soleil (considéré comme femelle) et de la lune (considérée comme mâle). Dans ce mythe, caractéristique des enchaînements symboliques lunaires, la terre n’était alors peuplée que de jaguars et de grands lézards. Un lézard femelle, vierge, se promenant avec son frère, découvre de belles fleurs, qu’elle cache dans son sein. Aussitôt le ciel s’obscurcit, l’orage éclate, la foudre tombe. Quand la lumière revient, un arc-en-ciel, orné de ces mêmes fleurs, et le lézard femelle se trouve enceinte.

Le pouvoir générateur de la foudre est également attesté au Pérou par les coutumes entourant les pierres-bezoar. Pour la même raison, les concrétions du sable produites par la chute de la foudre étaient considérées comme des talismans d’amour. La foudre est liée à la divination : chez les Incas, les devins tenaient leur don du fait qu’ils avaient été frappés par la foudre. - En Afrique, la foudre est le fouet du démiurge Faro, dieu d’eau et organisateur du monde chez les Bambaras. Réciproquement, le fouet symbolise la foudre ou l’éclair. Pour les Dagara (Haute-Volta et Ghana), c’est le symbole du mâle pénétrant la femelle.

Mais, selon D. Zahan, la foudre, pour les Bambaras, est surtout une manifestation de l’esprit de Dieu, et finalement la matérialisation même de cet esprit; d’où l’association pierres de foudre-crâne.

Parmi les peuples altaïques, le tabou entourant les personnes foudroyées s’étend aux animaux: on ne mange pas la chair d’un animal frappé par la foudre. Parmi les Bouriates, les corps des animaux foudroyés sont exposés sur plate-forme en forêt, de la même façon que les corps des hommes. Les uns comme les autres appartiennent désormais au dieu du tonnerre qui viendra, dans la solitude, chercher leur âme. D’une façon générale, en Asie centrale, la foudre sacralise tout ce qu’elle touche. Les Bouriates enclosent d’une barrière la place où elle tombe, afin que les bêtes n’y aillent pas paître. Dans la vallée du Ienissei, on dit qu’il ne faut pas éteindre un incendie de forêt allumé par la foudre. Mais on offre surtout à la foudre, comme au tonnerre, des libations de lait et la croyance existe que le lait seul peut éteindre un incendie allumé par le ciel. Des coutumes analogues se retrouvent depuis le Caucase jusqu’en Mongolie. Elles sous-entendent l’idée d’un sacrifice du lait pour apaiser les dieux.

Les foudroyés vont au ciel, tandis que les autres hommes vont au monde du dessous, selon les conceptions de nombreux peuples altaïques. Pour les Ostiaks, d’après une information du XVIIIe siècle, ce privilège d’éternité ouranienne s’étend à tous ceux qui ont trépassé de mort violente. - Si la foudre symbolise l’intervention soudaine et brutale du ciel, son symbolisme, à cet égard, se distingue cependant de ceux de l’étoile et de la hache. La foudre est décharge violente d’énergie, l’étoile est énergie accumulée. L’étoile a la valeur d’une foudre fixée. La foudre est rapprochée de la hache, pierre à foudre. Mais la hache à main est symboliquement une foudre accumulée... La foudre serait une énergie explosive non accumulée, tandis que la hache représente au contraire l’énergie structurée... instrument de la création réfléchie du monde-alchimie dans laquelle est traditionnellement associé le coup de hache d’où naissent Pallas Athéné et la pluie d’or. La foudre, c’est la création qui surgit du néant à l’état encore chaotique ou qui s’anéantit dans un incendie d’Apocalypse.

Fourneau

Texte 1

Le symbolisme du four, du fourneau, dérive des rituels de la métallurgie, et plus généralement de ceux des arts du feu. La fonte, l'émaillage, la poterie, le Grand Oeuvre alchimique sont ou bien des mariages du yin et du yang, de l'eau et du feu, de la Terre et du Ciel ; ou bien des retours à la matrice, des régressions à l'état embryonnaire en vue d'une nouvelle naissance. Le fourneau est ce creuset où s'élabore l'union, le sein maternel, où se prépare la renaissance. Le nom de sein maternel était expressément donné au four des anciens émailleurs européens. On connaît des exemples chinois de sacrifice d'une femme, ou d'un couple, au Dieu du Fourneau, pour favoriser la fonte du métal.

Le fourneau des alchimistes chinois est en forme de sablier, de cônes opposés par le sommet, ce qui est la forme du mont Kouen-Loun, centre du monde, et aussi celle de la calebasse, image du cosmos. La substance y meurt pour renaître sous une forme sublimée. On trouve de la même façon, dans diverses légendes européennes, le thème de la régénérescence des vieillards ou de la guérison des malades par leur introduction dans un four. Il faut d'ailleurs parfois un miracle pour tirer les victimes de l'opération du mauvais pas où les a mises un forgeron imprudent. Le symbole n'en est pas moins constant.

On peut encore trouver une idée semblable dans le fourneau à encens de la Hong-houei, trouvé flottant sur une rivière, et revêtu des caractères Fant-ts'ing fouming (détruire l'obscurité, restaurer la lumière), où l'on brûle rituellement de la cire blanche, la restauration est ici, bien entendu, d'ordre initiatique. Le fourneau - ou le Mortier - flottant signifie la régénération du yang (LE CIEL) , tandis que l'eau (LE MAZELIN) - ou les grenouilles - s'échappant du fourneau (SORTANT DE LA GUEULE DU FOURNEAU) , telles qu'on les trouve en d'autres légendes, sont un débordement manifeste du yin (LA TERRE).

Texte 2

Le fourneau se présente surtout sous la forme d'un poêle ou d'un four, et possède de ce fait une signification symbolique multiforme. Ainsi, le poêle de l'Ancien Testament auquel le fer même ne peut résister, symbolise l'épreuve et le malheur. Mais, dans de nombreuses civilisations, il constitue le point de chaleur central de l'habitation, autour duquel les habitants de la maison se réunissent pendant les périodes froides de l'année, et sur lequel ils préparent leur nourriture. Il est l'endroit où se trouve le feu, c'est-à-dire l'énergie vitale, mais domestiquée et donc bien-faisante pour l'homme. D'autre part, sa concavité l'apparente, selon C.G. Jung, à un symbole maternel. Dans les contes (par exemple La Gardienne d'oies des frères Grimm), le fourneau répète tout ce qu'il est le seul à pouvoir entendre. Le four dans lequel Hansel et Gretel brûlent la sorcière doit se comprendre comme une image du bûcher sur lequel périssent habituellement les sorcières - de même que Jeanne d'Arc, jugée sorcière, hérétique et relapse - , afin que ne subsiste aucune trace de leur existence (on dispersait souvent leurs cendres dans les fleuves qui devaient les emporter). Seuls les serviteurs de Dieu peuvent résister au feu, comme le montre le Livre de Daniel dans l'Ancien Testament, où trois hommes, Sidrac, Misac et Abdénago, sont condamnés au bûcher par le roi Nabuchodonosor pour avoir refuser d'adorer la "statue d'or haute de 60 coudée" construite par ce roi: mais, par la grâce divine, le feu ne les atteint pas.

HACHE

Texte 1

Elle frappe et tranche, vive comme l’éclair, avec bruit, et parfois des étincelles. C’est sans doute ce qui l’associe dans toutes les cultures à la foudre, et donc à la pluie : ce qui conduit aux symboles de fertilité. Les exemples et développements de cette ligne symbolique fondamentale sont multiples.
Chez les Mayas comme dans le monde amérindien moderne, chez les Celtes comme dans la Chine des T’ang, la hache de pierre est appelée pierre de foudre : on dit communément qu’elle est tombée du ciel. Et réciproquement : la foudre, disent les Dogons et Bambaras du Mali est une hache que le dieu des eaux et de la fécondité lance du ciel sur la terre. C’est pourquoi les haches de pierre son recueillies dans les sanctuaires réservés à ce dieu, et utilisées dans des rituels saisonniers, ou pour combattre la sécheresse. On les dépose également dans les semences, pour que la force fécondante dont ces pierres sont chargées active la germination.
Ayant le pouvoir de faire venir la pluie, elle a aussi celui de la faire cesser, si celle-ci devient excessive : c’est, toujours en Afrique noire, ce qu’affirment les Azandé. Dans bien des légendes du Cambodge et des montagnards sudvietnamiens, la hache, étant l’arme du tonnerre, est emblème de force. Elle entrouvre et pénètre la Terre : c’est dire qu’elle figure son union avec le Ciel, sa fécondation. Elle fend l’écorce de l’arbre : c’est un symbole de pénétration spirituelle (jusqu’au cœur du mystère), ainsi qu’un instrument de la délivrance.
Si elle peut être symbole de colère, de destruction, comme c’est le cas dans l’iconographie civaïte, ce rôle peut cependant demeurer positif, quand la destruction s’applique à des tendances néfastes.
Par une sorte d’antiphrase fréquente dans les développements de la symbolique, ce qui sépare peut aussi unir : c’est ce qui paraît ressortir d’une très ancienne et importante coutume chinoise qui associe la hache aux cérémonies de mariage. Les jeunes gens n’ont pu s’unir qu’à condition d’appartenir à des familles différentes, suivant le principe de l’exogamie ; car plus encore qu’à fonder une famille, le mariage sert à rapprocher deux familles différentes. Ce rapprochement, dans les temps anciens, s’obtenait à l’aide de rites diplomatiques, d’où la nécessité d’employer un héraut, sorte d’entremetteur. La hache était l’emblème de ce héraut ; par elle, il détachait les rameaux de deux troncs et en faisait des fagots. Le thème des fagots liés revient fréquemment dans les chants de mariage.
L’ambivalence fonctionnelle devient totalement matérialisée avec la hache à double tranchant, qui est à la fois destructrice et protectrice. Son symbolisme qui rejoint la dualité mort-vie, ou dulaité des énergies contraires et complémentaires, rapproche cette hache bipenne du caducée, du vajra, du marteau de Thor ; et ce sont aussi les deux natures du Christ réunies dans la même personne.
Ce qui sépare est aussi ce qui trie, ce qui fait que, commentant les attributs symboliques des anges, le Pseudo-Denys l’Aréopagite écrit : les lances et les haches expriment la faculté qu’ils ont de discerner les contraires, et la sagacité, la vivacitée et la puissance de ce discernement.
Séparation, discernement, c’est aussi un pouvoir de différenciation, expressément exprimé dans la mythologie grecque : Athéna sort du cerveau de Zeus, ouvert d’un coup de hache. Pour ce psychologue, c’est le signe de l’intervention du milieu social sur la conscience individuatrice, réflexive, intervention extérieure nécessaire à la création individuelle.
Première arme-outils de l’homme, la hache est un centre d’intégration, l’expression d’une permanence, une foudre accumulée. (Cette interprétation selon laquelle la hache préhistorique serait un centre de l’univers vécu, un axe, rappelle qu’en anglais le mot hache se dit ax ; en latin escia)
Enfin la hache plantée au sommet d’une pyramide ou d’une pierre cubique à pointe, comme de nombreux documents maçoniques du XVIIe siècle en présentent des modèles, a été interprétée très diversement. Dans les perspectives décrites plus haut, elle se comprendrait très bien comme l’ouverture du centre, du coffret, du secret, du ciel, c’est-à-dire comme l’acte suprême de l’initiation, de la prise de conscience, qui se confond avec l’illumination. Par son tranchant, la hache de pierre a fait jaillir l’étincelle.

Texte 2

La hache est depuis l’époque néolithique l’un des outils que l’homme utilise le plus au combat comme au travail. Il est souvent difficile de la distinguer du marteau (ou masse d’armes) sur les images anciennes (par exemple sur les peintures rupestres), où elle apparaît comme l’arme qu’utilisent les dieux du ciel et du tonnerre pour combattre des forces ennemies. Comme la lame de la hache scintille souvent lorsqu’on en porte un coup, les dieux de l’orage ont souvent été associés à l’éclair et à la destruction des êtres démoniques (par exemple des géants). En Afrique, il n’est pas rare que le statut de chef de tribu et que le pouvoir en général soient symbolisés par une hache richement décorée, sans utlisation pratique apparente. Lors des sacrifices rituels des différentes civilisations de l’ère du bronze et du fer, on se servait d’une hache pour tuer les animaux de grande taille ; de là, elle est logiquement devenue le symbole du sacrifice d’être vivants ainsi que de la justice – comme par exemple chez les licteurs de la Rome antique. – A l’époque chrétienne, la hache devint le symbole ou l’attribut de Saint joseph (or on trouve un ermitage Saint joseph à Messein) et de Saint Boniface qui abattit à Geismar le chên consacré au dieu du Tonnerre Donar. Une hache posée au pied d’un arbre est par ailleurs un symbole du jugement dernier. – Il existe dans les pays d’origine germanique une coutume très ancienne qui consiste à jeter une hache pour marquer des frontières ou l’emplacement de terrains à construire ; cette coutume est rapprochée en Autriche de diverses légendes qui tournent autour de la figure de saint Wolfgang et de sa hache (wolfgangihackl). – Les martyrs exécutés à la hache comme Baranbé, Mathieu, Matthias ou Thomas Beckett, sont souvent représentés avec cet objet. – On rencontre également parfois le bipène (la hache double).

Marteau

Texte 1

Le maillet et le marteau sont, à certains égards, une image du mal, de la force brutale. Mais la contrepartie symbolique de cette interprétation est leur assimiliation à l’activité céleste, à la fabrication de la Foudre .

Le maillet est l’arme de Thor, dieu nordique de l’orage ; il a été forgé par le nain Sindri ; il est aussi l’outil de Héphaïstos (Vulcain), dieu boiteux de la forge. Etant assimilé au vajra (foudre), il est à la fois créateur et destructeur, instrument de vie et de mort. Symbole d’Héphaïstos et de l’initiation cabirique (métallurgie), le marteau représente l’activité formatrice ou démiurgique. Dans le cas où il frappe le ciseau, le maillet est la méthode, la volonté spirituelle actionnant la faculté connaissante, qui découpe en idées et en concepts et stimule la connaissance distinctive. Dans certaines sociétés, le marteau rituellement forgé est efficace contre le mal, contre les adversaires, contre les voleurs. Son rôle est de protection active et magique. Dans l’iconographie hindoue - au moins lorsqu’il est attribué a Ghantâkarma - il est aussi destructeur du mal.

Dans la mythologie japonaise, le maillet est l’instrument magique, avec lequel le dieu du bonheur et de la richesse, Daïkoku, fait surgir de l’or.

Le maillet du dieu gaulois Sucellus (bon frappeur probablement) ne peut être considéré que comme un substitut ou une forme continentale de la massue du Dagda irlandais. C’est par suite d’une incompréhension toute tardive, et surtout moderne, que l’on a fait de cette divinité le dieu des tonneliers, auquel cas le maillet et le dieu lui-même sont dépourvus de tout symbolisme et de toute efficacité. Mais, en fait, ce maillet, comme le massue, représente en mode celtique la puissance créatrice et ordonnatrice du dieu.

Il faut rapprocher du maillet de Sucellus et de la massue du Dagda le mell benniget (maillet bénit) breton, lourd marteau de pierre, ou boule de pierre. Au XIXe siècle encore, on le posait sur le front des agonisants pour leur faciliter le passage, l’envol de l’âme. C’est une tradition romaine que le Doyen du Sacré Collège, d’un coup de marteau en métal précieux ou en ivoire, frappe le front du Pape qui vient d’expirer, avant de proclamer sa mort.

En Europe du Nord, de nombreux maillets figurent sur les pierres à inscriptions runiques, dans les gravures rupestres, sur les stèles funéraires ; il tendent, semble-t-il à assurer le repos du défunt contre les assauts de ses ennemis. Dans les mariages, on porte des maillets pour éloigner du couple les puissances maléfiques et promettre à l’épouse la fécondité. Il se rattache ici à la symbolique solaire de la foudre.

On a découvert en Lituanie des vestiges d’un culte voué à un marteau de fer d’une taille extraordinaire. Lorsque Jérôme de Prague demanda aux prêtres de ce culte ce qu’il signifiait, ils répondirent: Jadis, on ne vit plus le Soleil durant plusieurs mois ; un roi très puissant l’avait capturé et emprisonné dans la forteresse la plus inexpugnable. Mais les Signes du Zodiaque vinrent au secours du Soleil ; ils brisèrent la tour avec un très gros marteau, ils libérèrent ainsi le Soleil et le rendirent aux hommes ; cet instrument mérite donc la vénération, par lequel la lumière fut rendue aux mortels. Le marteau symbolise dans ce mythe le tonnerre, grondant au milieu d’épaisses couches de nuages, avant que l’orage et la pluie dégagent le ciel et que le soleil reparaisse. Il symboliserait plutôt le tonnerre grondant que l’éclair fulgurant. D’après une autre légende lituanienne, les marteaux de fer sont les instruments avec lesquels les dieux favorables aux humains brisent au printemps les épaisseurs de neige et de glace. Ce sont les mêmes images d’épaisseur de nuages au ciel, de glace et de neige sur terre et sur mer, qui se présentent ici pour indiquer la puissance divine que doit avoir le marteau, destiné à les briser et à les dissiper.

Selon la symbolique maçonnique : le maillet est le symbole de l’intelligence qui agit et persévère ; elle dirige la pensée et anime la méditation de celui qui, dans le silence de sa conscience, cherche la vérité. Vu sous cet angle, il est inséparable du Ciseau qui représente le discernement, sans l’intervention duquel l’effort serait vain sinon dangereux. Ou bien encore, le maillet figure la volonté qui exécute: il est l’insigne du commandement, que brandit la main droite, côté actif, se rapportant à l’énergie agissante et à la détermination morale dont découle la réalisation pratique. C’est le symbole de l’autorité du Maître au cours de tenues maçonniques.

Oie

Texte 1

Lorsqu’en Chine, dans la littérature ou la peinture, il est fait allusion aux oies, c’est toujours aux oies sauvages ; il en est de même des canards. La primauté symbolique donnée aux animaux sauvages sur les animaux domestiques remonte aux époques archaïques. Ainsi, l’oie devenue de nos jours le symbole de la fidélité conjugale était, au commencement, un signal, un message pour faire comprendre à une jeune fille choisie par un jeune homme qu’elle devait, devant le présent d’une oie qui lui était fait, mettre un terme aux résistances de la pudeur sexuelle, à l’exemple de ces animaux au début du printemps.
Dans le Che-King ou Livre des Odes, recueil de chansons populaires et de chants religieux, dont les plus anciens semblent remonter au début du VIIe siècle avant notre ère, l’oie sauvage est souvent prise comme thème.
Voici un poème de Lu-Kuei-meng, de la dynastie des Tang, dans lequel le poète s’émeut des embûches qui se dressent sur le parcours des oies :

Oie sauvage
Longue est la route du Nord au Midi.
Des milliers d’arcs sont tendus sur son trajet.
A travers la fumée et la brume,
Combien de nous atteindront Hen-Yang ?

La migration d’une région à une autre est, comme le passage d’un foyer à un autre, pleine de surprises et d’embûches.
En littérature, lorsque les Chinois citent les oies sauvages pleurant, ils font allusion aux réfugiés, aux hommes obligés de quitter leur province.

Lorsque les Pharaons furent identifiés au soleil, leur âme fut représentée sous la forme d’une oie, car l’oie est le soleil sorti de l’œuf primordial.
En Egypte, les oies sauvages étaient aussi, comme en Chine, considérées comme des messagères entre le ciel et la terre.
L’avènement d’un nouveau roi était annoncé, entre autres cérémonies, par un lâcher de quatre oies sauvages aux quatre coins de l’horizon : Hâte-toi, disait-on, vers le Sud et dis aux dieux du Sud que le pharaon un tel a pris la Double Couronne. On répétait la formule pour chacun des points cardinaux.
En Afrique du Nord, c’est une coutume encore observée de sacrifier une oie, en tant qu’animal solaire, en la période critique du changement d’année.

A Rome même, les oies sacrées, que l’on élevait autour du temple de la déesse Junon, avaient comme une mission d’avertisseuses ; elles étaient censées pressentir le danger et donner l’alarme. Elles se distinguèrent notamment, en 390 avant J.-C., en poussant des cris lorsque les Gaulois tentèrent, une nuit, de prendre d’assaut le Capitole.

Dans le rituel du sacrifice du cheval et de l’ascension chamanique dans l’Altaï, rapporté par Radlov, l’oie sert de monture au Chaman pour poursuivre l’âme du cheval. C’est souvent une oie, et non un cheval, qui sert de monture au Chaman altaïque, pour son retour des Enfers, après sa visite au Roi des Morts.
En Russie, en Asie Centrale et en Sibérie, le terme d’oie est utilisé métaphoriquement pour désigner la femme désirée.

Dans la tradition celtique continentale et insulaire, l’oie est un équivalent du cygne, dont la lexicographie ne la distingue pas nettement. Considérée comme une messagère de l’Autre Monde, elle fait l’objet, chez les Bretons, d’un interdit alimentaire, en même temps que le lièvre et la poule. César, qui rapporte le fait dans le De Bello Gallico ajoute que ces animaux étaient élevés pour le plaisir (voluptatis causa), mais il n’a pas compris pourquoi.

Le jeu de l’oie, si familier dans les souvenirs d’enfance, a fait l’objet d’une interprétation ésotérique, qui le considère comme un labyrinthe et un recueil des principaux hiéroglyphes du Grand Œuvre. Les Contes de ma mère l’oie ont été aussi interprétés comme des récits hermétiques.

Texte 2

L’oie apparaît souvent comme une sorte de petit cygne ; elle est associée, la plupart du temps, au monde féminin et domestique. Les oies grises et les oies des moissons étaient attrapées, dans l’Antiquité, à l’aide de cordes. Les Egyptiens commencèrent très tôt à en faire l’élevage. Elle ne tarda pas à être utilisée en Grèce comme objet de sacrifices et elle était également appréciée pour son duvet et sa viande bon marché, cependant que les Romains la gavaient et que son foie constituait un mets très recherché. Sa chair était censée accroître le désir et on prêtait à sa bile des vertus aphrodisiaques. Cet animal était associé à Vénus (Aphrodite) et à Mars (probablement en raison de l’épisode des oies du Capitole), à amour (Eros) et au dieu phallique de la Fécondité, Priape.
- Dans l’Egypte ancienne, l’oie était l’emblème de l’âme du pharaon et servait de messagère entre le pouvoir temporel et les différents dieux. En Inde, selon certaines versions mythiques, la grande oie Hamsa couvait l’œuf cosmique à partir duquel se manifestait le monde, aussitôt que cet œuf apparaisait à la surface des Eaux primordiales. L’oie était alors la figuration du souffle principiel qui infusait la vie dans la substance matérielle encore à l’état de germe. – Les chamans des tribus sibériennes étaient fascinés par le vol des oies sauvages : lorsqu’ils étaient en transe, ils avaient l’impression de s’envoler avec ces oiseaux et imitaient leur cri (ce même cri a sans doute aussi contribué à l’image de la chasse sauvage dans les airs). – L’oie domestique, qui enrichissait autrefois les repas de fête hivernaux des bourgeois et des paysans, a fait l’objet de diverses légendes – en particulier celle de saint Martin qui refusa par modestie de se faire sacrer évêque et alla se cacher au milieu des oies ; leur cris ne tardèrent pas cependant à trahir sa présence. Lorsque les hommes mangent l’oie de la Saint-Martin, ils commémorent, au moins pour partie, cet épisode en sacrifiant symboliquement les oies qui avaient trahi le saint. La volubilité de l’oie en a fait le symbole des vieilles personnes bavardes. Dans le Bestiaire médiéval d’Unterkircher, les oies domestiques sont associées à la vigilance tandis que les oies sauvages, au plumage gris, correspondent aux personnes pieuses qui se tiennent à l’écart de l’agitation du monde et portent la robe grise de la pénitence : Les oies domestiques, en revanche, peuvent être blanches ou de diverses couleurs et elles ressemblent aux habitants des villes vêtus de toutes les couleurs. Elles poussent leur cri perçant dans les rues des villages comme le font les hommes qui aiment à se retrouver pour se consacrer au bavardage et à la médisance. – L’oie intervient souvent dans les contes et les locutions populaires, cependant que les enfants jouent encore de nos jours au jeu de l’oie qui semble être le résidu d’un ancien jeu initiatique lui-même relié au thème du labyrinthe.

Masson 2007 : L’oie dont l’importance a été signalée dans l’étude du Val de la Natagne fait référence à la constellation de Persée qui est en effet à proximité de celle du Bélier.

ROUE

Texte 1

La roue tient de la perfection suddérée par le cercle, mais avec une certaine valence d’imperfection, car elle se rapporte au monde du devenir, de la création continue, donc de la contingence et du périsable. Elle symbolise les cycles, les recommencements, les renouvellements. Le monde est comme une roue dans une roue, une sphère dans une sphère, selon la pensée de Nicolas de Cuse.
La roue est un symbole privilégié, comme l’aile, du déplacement, de l’affranchissement des conditions de lieu, de l’état spirituel qui leur est corrélatif.
C’est un symbole solaire dans la plupart des traditions : roues embrasées dévalant des hauteurs du Solstice d’été, processions lumineuses se déroulant sur les montagnes au Solstice d’hiver, roues portées sur des chars à l’occasion des fêtes, roues sculptées sur les portes, roue de l’existence, etc. De très nombreuses croyance, formules, pratiques associent la roue à la structure des mythes solaires.
Dans l’inde, par exemple, les Sept attellent le char à la roue unique : un coursier unique au septuple nom meut la roue au triple moyeu, la roue immortelle que rien n’arrête, sur laquelle reposent tous les êtres. Symbole cosmique en même temps que solaire chez les Celtes comme chez les Indiens. Mag Ruith est le mage des roues magus rotarum ; c’est à l’aide de roues qu’il prononce ses augures druidiques. Il est aussi seigneur, maître des roues, petit-fils du roi universel. C’est l’équivalent du çakravarti, celui qui meut la roue. Le détenteur de la roue, en Chine, a en son pouvoir l’empire céleste.
Mais comment expliquer cette constance du symbole dans la plupart des cultures ?
Le symbolisme très répandu de la roue tient à la fois à sa disposition rayonnante et à son mouvement.
Le rayonnement de la roue fait qu’elle apparaît comme un symbole solaire. Elle est liée à Apollon, ainsi qu’à la foudre et à la production du feu. Le chakra est un attribut de Vishnu, lequel est un âditya, un soleil. Toutefois, ce chakra est un disque plutôt qu’une roue. Dans les textes et l’iconographie de l’Inde, la roue a souvent douze rayons, nombre zodiacal, nombre du cycle solaire. Les roues de char sont un élément essentiel dans la figuration du soleil, de la lune, des planètes. Encore s’agit-il surtout d’évoquer le voyage des astres, leur mouvement cyclique. Les trente rayons traditionnels de la roue chinoise sont le signe, quant à eux, d’un cycle lunaire.
Beaucoup plus nettement encore, la roue se révèle comme un symbole du monde, le moyeu en étant le centre immobile, le principe, et la jante la manifestation qui en émane par un effet de rayonnement. Les rayons indiquent le rapport de la circonférence au centre. La roue la plus simple est à quatre rayons : c’est l’expansion selon les quatre directions de l’espace, mais aussi le rythme quaternaire de la lune et des saisons. La roue à six rayons ramène au symbolisme solaire ; elle évoque aussi le chrisme et peut être considérée comme la projection horizontale de la croix à six branches. La roue la plus fréquente a toujours huit rayons : ce sont les huit directions de l’espace évoquées par les huit pétales du lotus, auquel la roue s’identifie. Les huit pétales ou huit rayons symbolisent la régénération, le renouvellement. On la trouve du monde celtique à l’Inde en passant par la Chaldée. C’est encore la disposition des huit trigrammes chinois. Si la roue de l’existence bouddhique a six rayons, c’est seulement qu’il existe six classes d’êtres, six loka ; si la roue du Dharma a huit rayons c’est que la Voie comporte huit sentiers.
La signification cosmique de la roue s’exprime dans les textes védiques. Sa rotation permanente est renouvellement. D’elle naissent l’espace et toutes les divisions du temps. C’est aussi la Rota Mundi des Rosicruciens. Seul, le centre de la roue cosmique est immobile : c’est le vide du moyeu qui la fait tourner, le nombril (nabhi, ou omphalos). En ce centre se tient le Chakravartî, celui qui fait tourner la roue. C’est le Bouddha, l’Homme universel, le Souverain. Les anciens rois de Java et d’Angkor, étaient expressément qualifiés de Chakravartî. Ce moyeu vide est le point d’application de l’Activité céleste. Le monarque qui s’y tient est seul non transformé, dit Tchouang-tsu, dans la transformation universelle. Autre aspect du symbolisme chinois ; le moyeu est le Ciel, la circonférence étant la Terre, et le rayon l’homme, médiateur entre eux. La roue de la noria des Chinois, ou la roue du potier de Tchouang-tseu, ou le cycle de la création de l’épitre de Saint-Jacques (3,6) (Masson : on a un lieu dit Noyer Saint Jacques en bas de Chavigny qui est des cotés de la double hache) expriment également le tourbillonnement incessant de la manifestation, dont la délivrance ne peut être obtenue que par le passage de la circonférence au centre, ce qui s’entend du retour au centre de l’être.

La roue que met en mouvement le Bouddah, c’est la Roue de la Loi, le Dharmachakra. Cette loi est celle de la destinée humaine. Aussi n’est-il aucune puissance qui soit capable d’inverser le sens de rotation de la roue. Guéno la rapproche très judicieusement de la Roue de la Fortune occidentale. L’Inde et le Bouddhisme usent d’autres symboles encore : le sage qui atteint la Délivrance est, dit le Sâmkhya, un potier qui a achevé son pot ; mais il continue à vivre, comme la roue continue à tourner, par la vitesse acquise. La durée de la vie, enseigne le Visuddhimagga, est celle d’une pensée : ainsi de la roue qui ne touche le sol que par un point unique. Il ne faut pas oublier la Roue de l’existence du Bouddhisme tibétain qui, fondée encore une fois sur la notion des mutations incessantes, figure la succession des états multiples de l’être. Le Tantrisme donne encore l’apellation de roues (chakra) – ou de lotus – aux centres subtils, traversés par le courant de la kundalinî , comme les roues par leur essieu.

L’apellation purement conventionnelle de Roue de la loi, celles aussi de roue du moulin ou de noria, sont données, dans l’alchimie interne des Taoïstes, au mouvement régressif de l’essence et du souffle, qui doit les conduire à s’unir dans le creuset : c’est, exprimé de façon emblématique, un retour de la périphérie, de la circonférence, au centre.

Ajoutons encore quelques cas particuliers. La roue est, écrit Mgr Devoucoux, l’image de la science chrétienne unie à la sainteté. Elle est l’emblème de l’Egyptienne savante, sainte Catherine, la patronne légendaire des philosophes chrétiens. Dans la roue à feu celtique, la rotation s’exerce alternativement dans les deux sens. Nous retrouvons ici le symbolisme de la double spirale.

La roue est un signe très fréquent dans les représentations celtiques. Elle est la plus souvent figurée, dans les sculptures gallo-romaines en compagnie du Jupiter celtique, communément appellé dieu à la roue ou Taranis, ou encore cavalier au géant anguipède. Les témoignages en sont innombrables et attestent une extension au niveau populaire : terres cuites, bronzes, amulettes même. Cette représentation a fait que la plupart des chercheurs modernes ont vu dans la roue l’équivalent du fulmen de Jupiter, autrement dit un symbole solaire. Mais le symbolisme solaire ne suffit pas à expliquer totalement la roue, qui est aussi et surtout une représentation du monde. Car si l’on se reporte à la comparaison irlandaise de la roue cosmique du druide Mag Ruith (serviteur de la roue), lequel est un avatar du dieu druide Dagda, le dieu à la roue celtique correspond très exactement au çakravartî hindou : c’est le moteur immobile, au centre du mouvement, dont il est l’axe et auquel il ne participe pas, tout en lui étant indispensable. Une plaque de chaudron de Gundestrup représente un homme (guerrier, serviteur de la roue ?) tournant la roue cosmique, tandis que le dieu est figuré en buste, les bras levés dans l’attitude de la prière ou dans l’attitude symboliquement impassible du Principe, d’où émane toute manifestation. La roue est aussi le symbole du changement et du retour des formes de l’existence. Une épée de Hallstatt (Autriche) représente deux jeunes gens (analogues des Dioscures ?) faisant tourner la roue et qui doivent symboliser la succession du jour et de la nuit. Par ressemblance avec le cercle, la roue est aussi symbole céleste, en rapport avec la notion de centre.

La rouelle est aussi une figure géométrique extrêmement fréquente dans les représentations celtiques à toutes les époques, et son symbolisme conjugue celui de la roue à celui de la croix. Un autre symbolisme, très voisin de celui de la roue, est celui de la spirale qui, avec ses mouvements alternatifs d’évolution et d’involution correspond au solve et coagula.
Le roue du druide Mag Ruith est en bois d’if, arbre funéraire, et c’est une roue cosmique dont l’apparition sur terre marquera le début de l’Apocalypse : quiconque la verra sera aveugle, quiconque l’entendra sera sourd et quiconque sera touché par elle mourra.
Une déesse galloise citée dans le Mabinogi de Math, fils de Mathonwy, a pour nom Arianrhod roue d’argent. Elle est mère de deux enfants dont l’un, Dylan eil Ton fils de la vague, va immédiatemnt à l’eau où il nage comme un poisson (ce qui constitue un retour au Principe) et l’autre, Llew, porte un nom qui correspond à celui de l’Irlandais Lug. Parmi les jeux guerriers de Cuchulainn figure celui de la roue : le jeune héros se contorsionne de manière à former de son corps une roue animée d’une grande vitesse. Le thème roto – roue est enfin largement représenté en toponymie gauloise (ex : Rotomagus : Rouen).

Dans la Hiérarchie céleste, ch.15, 8, 9, le Pseudo-Denys l’Aréopagite développe le symbolisme des roues enflammées et des roues ailées, dont parlent les Prophètes. Daniel décrit sa vision de l’Ancien et du Fils de l’Homme :

Son trône était de flamme de feu
Aux roues de feu ardent,
Un fleuve de feu coulait… (7,9-11).

De son côté Ezéchiel voit les roues des chérubins :

Lorsqu’il donna cet ordre à l’homme vêtu de blanc : Prends du feu au milieu du char, du milieu des chérubins, l’homme y alla et s’arrêta près de la roue. Je regardai : Il y avait quatre roues à côté des chérubins et l’aspect des roues avait l’éclat de la chrysolithe. Et elles avaient même aspect toutes les quatre ; elles étaient au milieu l’une de l’autre… J’entendis que l’on donnait aux roues le nom de galgal… Lorsque les chérubins avançaient, les roues avançaient à côté d’eux ; lorsque les chérubins déployaient les ailes pour s’élever de terre, les roues ne se détournaient pas non plus. Lorsqu’ils s’arrêtaient, elles s’arrêtaient et, lorsqu’ils s’élevaient avec eux, car l’esprit de l’animal était en elles. (10, 6-10, 13, 16-17).
Le théologien néo-platonicien dévoile la signification symbolique de ces roues : Quant aux roues ailées qui avancent sans détour ni déclinaison, elles signifient le pouvoir de rouler tout droit, en droite ligne sur la voie droite et sans détour, grâce à une rotation parfaite qui n’appartient pas à ce monde. Mais l’allégorie sacrée des roues de l’intelligence se prête encore à une autre exégèse qui correspond à un autre enseignement spirituel. Comme dit, en effet, le théologien, on leur a donné le nom de galgal qui, en hébrau, signifie tout ensemble révolution et révélation. Ces roues enflammées et qui reçoivent la forme divine ont le pouvoir de rouler sur elles-mêmes, puisqu’elles se meuvent perpétuellement autour de l’immuable Bien ; elles ont aussi le pouvoir de révéler, puisqu’elles initient aux mystères, puisqu’elles élèvent spirituellement les intelligences d’en-bas, puisqu’elles font descendre jusqu’aux humbles les illuminations les plus élevées.
Dans ces textes sacrés, la roue symbolise donc le déroulement de la révélation divine. On trouve aussi une autre signification dans le texte d’Ezéchiel, , si l’on considère le verset 12 : Et tout leur corps, leur dos, leurs mains et leurs ailes, ainsi que les roues, étaient pleins d’yeux tout autour, leurs roues à tous les quatre.

L’image couplée de roues constellées d’yeux est une allégorie, comme celle des étoiles-yeux, qui tend à exprimer l’omniscience et l’omniprésence de la divinité céleste. Elle signifie très précisément que rien n’échappe au regard de Dieu, mais qu’il appelle aussi le regard de l’homme.

Cependant, le symbole de la roue aurait longtemps été lunaire, avant de devenir solaire : le sistre d’Isis ou de Diane représenterait le disque lunaire, le céleste trésor de la roue, qui apparaît au jour le jour de la pleine lune. La roue, ajoute le même auteur, est, dans son sens primordiale, l’emblème du devenir cyclique, résumé magique qui permet la maîtrise du temps, c’est-à-dire la prédiction de l’avenir.
La roue Zodiacale apparaît aussi partout. Etymologiquement Zodiaque signifie roue de la vie. Plus tard, le Zodiaque aura acquis une signification solaire ; mais il est primitivement lunaire. Les anciens Arabes l’apellent ceinture d’Ishtar et les Babyloniens Maisons de la lune.
La roue n’a d’ailleurs pris que très tardivement une acception solaire : lorsque, pour des raisons techniques elle s’est munie de rayon, telle qu’elle apparaît encore dans le rituel des feux celtiques à Epinal ou à Agen. Mais primitivement, la roue zodiacale, comme celle du calendrier, est une roue lunaire, de bois plein ; renforcée par un triangle ou un quadrillage de madriers, ce qui lui donne des subdivisions internes arithmologiquement significatives.

Fulcanelli, dans le Mystère des Cathédrales, s’exprime en ces termes sur le symbolisme alchimique de la roue : Au Moyen Age, la rose centrale des porches se nomma rota, la roue. Or, la roue est l’hiéroglyphe alchimique du temps nécessaire à la coction de la matière philosophale, et, par suite, de la coction elle-même. Le feu soutenu, constant et égal que l’artiste entretient nuit et jour au cours de cette opération, est appelé pour cette raison feu de roue. Cependant, outre la chaleur nécessaire à la liquéfaction de la pierre des philosphes, il faut en plus un second agent, dit feu secret ou philosophique. C’est ce dernier feu, excité par la chaleur vulgaire, qui fait tourner la roue. Fulcanelli cite ensuite un extrait d’un texte alchimique du XVIIe siècle, le traité de l’Harmonie et Constitution générale du Vray Sel, de De Nuysement, qui montre que cette signification symbolique de la roue est bien, comme dans les textes bibliques, celle du véhicule kratophanique qui va et vient entre ciel et terre, unissant le divin et le profane :

Remarque seulement les traces de ma roue
Et pour donner partout une chaleur égale
Trop tôt vers terre et ciel, ne monte ni dévale.

Pour Jung et son école, les rosaces des cathédrales représentent le Soi de l’homme transposé sur le plan cosmique. C’est l’unité dans la totalité, et cet auteur, considérant la rosace comme un autre mandala, ajoute que nous pouvons considérer comme des mandalas les auréoles du Christ et des Saints dans les tableaux religieux. On rejoint ici le symbolisme du centre cosmique et du centre mystique, illustrés par le moyeu. La personnification s’achève et s’harmonise quand un double courant s’établit, par les rayons, du centre vers la circonférence et de celle-ci vers le centre. La roue s’inscrit dans le cadre général des symboles de l’émanation-retour, qui expriment l’évolution de l’univers et celle de la personne.

Tonnerre

Texte 1

Selon la tradition biblique, le tonnerre est la voix de Yahvé. Il est aussi l’annonce d’une théophanie. Avant de conclure l’Alliance avec Israël et de lui confier le Décalogue, Yahvé fit retentir un grand bruit dans le ciel et sur la terre: Le surlendemain, au lever du jour, il y eut, sur la montagne, des tonnerres, des éclairs, une épaisse nuée, accompagnés d’un puissant son de trompe, et, dans le camp, tout le peuple trembla. Moïse conduisit le peuple hors du camp, à la rencontre de Dieu, et ils se tinrent au bas de la montagne. La montagne du Sinaï était toute fumante, parce que Yahvé y était descendu sous forme de feu. La fumée s’en élevait comme d’une fournaise et toute la montagne tremblait violemment. Il y eut un son de trompe qui allait s’amplifiant. Moïse parlait et Dieu lui répondait par des coups de tonnerre. Yahvé descendit sur la montagne du Sinaï, au sommet de la montagne, et manda Moïse au sommet de la montagne. Et Moïse monta.

Le tonnerre manifeste la puissance de Yahvé, et spécialement sa justice et son courroux. Il représente la menace divine d’anéantissement (Job, 36, 29-33) ou l’annonce d’une révélation.

Job, 36, 29-33

29 Et qui comprendra le déchirement de la nuée, Le fracas de sa tente?
30 Voici, il étend autour de lui sa lumière, Et il se cache jusque dans les profondeurs de la mer.
31 Par ces moyens il juge les peuples, Et il donne la nourriture avec abondance.
32 Il prend la lumière dans sa main, Il la dirige sur ses adversaires.
33 Il s'annonce par un grondement; Les troupeaux pressentent son approche.

Dans la tradition grecque, le tonnerre était rattaché d’abord aux grondements des entrailles de la terre ; sans doute était-ce une réminiscence des séismes des origines. Mais il passa de la terre entre les mains de Zeus, dieu du ciel, lorsque celui-ci eut mutilé son père, Cronos, aux pensers fourbes, et délivré ses frères. Ceux-là, dit Hèsiode, n’oublièrent pas de reconnaître ses bienfaits : ils lui donnèrent le tonnerre, la foudre fumante et l’éclair qu’auparavant tenait cachés l’énorme Terre et sur lesquels Zeus désormais s’assure pour commander à la fois aux mortels et aux Immortels. Le tonnerre symbolise le commandement suprême, qui est passé de la terre au ciel.

Le Dieu du Tonnerre, Taranis, est l’équivalent du Jupiter romain, auquel il a été assimilé à l’époque gallo-romaine. Le nom du tonnerre est retrouvé dans les langues néo-celtiques, mais le théonyme est particulier à la Gaule. On peut attribuer à la foudre, dans le domaine celtique, à peu près la même signification qu’au fulgur latin, mais il semble que le tonnerre ait symbolisé surtout un déréglement de l’ordre cosmique, manifesté par la colère des éléments. Les Gaulois craignaient que le ciel ne leur tombât sur la tête et le serment irlandais fait appel à lui, à la terre et à la mer, comme aux principaux garants. Il existe ainsi une notion de responsabilité humaine directe dans le déchaînement du tonnerre et de la foudre, compris comme un moyen de châtiment infligé aux coupables par le Dieu Suprême. On ne peut guère expliquer autrement la panique des Celtes, surpris par un violent orage, alors qu’ils venaient de piller le sanctuaire de Delphes.

Selon Mircea Eliade, le tonnerre est l’attribut essentiel des divinités ouraniennes. Il est souvent assimilé à la divinité suprême elle-même, à moins qu’il ne soit son fils. Dans le Popol-Vuh, il est la Parole de Dieu parlée, par opposition à la foudre et à l’éclair, qui constituent la parole de Dieu écrite dans le ciel.

Les divinités du tonnerre, maîtresses des pluies, et donc de la végétation, relèvent du cycle symbolique lunaire. Dans un nombre de cosmologies, elles sont directement apparentées à la divinité Lune. En Australie, le dieu du tonnerre et de l’orage est fréquemment représenté naviguant sur une barque en forme de croissant de lune. On représente aussi souvent le tonnerre sous la forme d’un homme unijambiste, c’est notamment le cas pour les plus hautes civilisations américaines, Mayas, Aztèques, Incas, chez les Samoyèdes et en Australie. Le rhombe et le tambour, reproduisant leur voix, son souvent pour cette raison des instruments de musique sacrés, dont la vue est interdite aux femmes.

Chez les Aztèques, Tlaloc, dieu des pluies, de l’orage, du tonnerre et de l’éclair, siège à l’Est, pays du renouveau printanier. Il est, avec Huitzilopochtli, le Soleil de Midi, une des deux Grandes Divinités aux-quelles on offre le plus de sacrifices. Leurs autels, à l’arrivée des Espagnols, se dressaient côte-à-côte au sommet de la grande pyramide de Mexico. Chez les Incas du Pérou, Illapa a les mêmes attributions et jouit d’un égal prestige. Il est notamment le maître des saisons. Dans le grand temple de Coricancha, à Cuzco, il vient, par ordre de préséance, immédiatement après la Grande Divinité ouranienne Viracocha, et les démiurges , père et mère des Incas, Soleil et Lune. On le représente par une constellation, qui est probablement la Grande Ourse : elle figure un homme tenant une massue dans sa main gauche et une fronde dans sa main droite. Cette fronde est le tonnerre, qu’il lance pour faire tomber la pluie, elle-même puisée dans la Voie Lactée, grand fleuve céleste. Dans les îles Caraïbes et sur le pourtour de la mer du même nom, la Grande Ourse était également considérée comme la divinité des tempêtes.

Dans nombres de mythes (Australie, Amérique) tonnerre et éclair sont liés à la Grande-Mère mythique et aux premiers Héros Jumeaux.

L’oiseau mythique, produisant le tonnerre par le battement de ses ailes, est présent dans les mythologies du grand Nord Sibérien, comme dans celles du Continent Américain, aux mêmes latitudes. Les Samoyèdes se le représentent sous la forme d’un canard sauvage, ou d’un oiseau de fer ; les Youraks sous celle d’une oie ; pour les Téléoutes de l’Altaï, il est un aigle ; pour les Ostiaks de Tremjougan, un oiseau noir semblable à une poule de bruyère. Les Mongols, les Soyotes, et quelques tribus toungouses orientales, telles que les Gold, croient au contraire, comme les Chinois, que le tonnerre est produit par un dragon céleste ; pour les Tourgoutes il est l’oeuvre du diable, métamorphosé en chameau volant. L’oiseau du tonnerre est un allié des chamans qu’il guide dans leurs voyages vers les cieux supérieurs. Car, quelle que soit la forme qu’il revête, l’esprit du tonnerre est toujours une divinité ouranienne. L’aigle-tonnerre des Téléoutes, déjà cité, et qui est devenu, avec l’introduction du christianisme en Asie Centrale, un avatar de Saint Elie, habite le douzième ciel. Les divinités ouraniennes sont de vieux dieux et le maître du tonnerre, quand il prend forme humaine, ne fait pas exception à cette règle, parmi les peuples d’Asie Centrale. On le représente alors comme un vieillard, généralement ailé et couvert de plumes (traditions des Ostiaks de Demianka et des Bouriastes). Ce vieillard est originellement un terrien - sans doute un ancien chaman - qui a un jour découvert le chemin du ciel, et y est resté. Dans une légende des Bouriastes, il serait devenu un auxiliaire du vieux et gris dieu du ciel, ayant des fonctions d’exécuteur de justice. En même temps qu’il émet le bruit du tonnerre, il lance l’éclair sur les voleurs.

Les maîtres du tonnerre ont de nombreux Forgerons à leurs service (soixante-dix-sept, selon la croyance bouriate) pour leur forger leurs flèches. Une subtil distinction, toujours d’origine bouriate, veut que le tonnerre abatte les arbres avec ses flèches, mais qu’il tue les êtres vivants avec le feu. Cette fonction de justicier, accordée au tonnerre, se retrouve parmi de nombreux peuples asiatiques, d’origines et de cultures très différenciées, tels que les Yakoutes - fortement influencés par la culture russe - et les Gold de la Sibérie extrême-orientale. Pour tous ces peuples, l’esprit du tonnerre pourfend les mauvais esprits.

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