Le Grand Boiteux et le Glaive de Lumière
Puisque c’était alors, ce n’est pas maintenant. Si c’était, je serais un historien tout désséché et gris, et qui ne serait pas mieux qu’un conteur. C’est un sac jaune avec sept vieux livres que je porterais sur mon échine, courbé, desséché, très vieux. Quoique je sois sur le point de te dire cette histoire ce soir, je ne la sais pas mieux pour cela. Si je la sais mal ce soir, puisses-tu la savoir plus mal demain soir, en sorte que tu viendras la réapprendre auprès de moi un jour à venir !
Il y avait une fois un roi qui avait un fils. Le fils du roi sortit un jour sur le rivage. Un garçon mince et roux vint à lui.
- Jouerais-tu une partie de cartes, fils du roi ? dit le garçon mince et roux.
- Ça ne me déplairait pas, dit le fils du roi.
Le fils du roi gagna la partie:
- Donne ta sentence, fils du roi, dit le garçon mince et roux.
- Je t’impose comme gages (geasa ce mot irlandais signifie exactement des obligations magiques auxquelles il est impossible de se soustraire) et obligation de l’année, qu’un château soit élevé ici demain matin.
Le lendemain matin, le château était élevé. Le garçon mince et roux vint à lui de nouveau :
- Jouerais-tu une partie de carte, fils du roi ?
- Ça ne me déplairait pas, dit le fils du roi.
Le fils du roi gagna la partie.
- Donne ta sentence, fils du roi.
- Je t’impose comme gages et obligation de l’année, que la femme la plus belle qu’il y ait au monde soit ici, au bout d’un an et un jour, ou demain matin, comme tu préféreras.
Le lendemain matin, le garçon roux vint avec la femme la plus belle qu’il y eût au monde. Il la mena par la main au fils du roi.
- Jouerais-tu une autre partie de carte, fils du roi ?
- Ça ne me déplairait pas, dit le fils du roi.
Le garçon mince et roux gagna la partie.
- Donne ta sentence, dit le fils du roi.
- Je t’impose comme gages et obligation de l’année d’avoir ici le Glaive de Lumière qui est chez le Bacach Môr (Grand Boiteux), roi de la Clarté, et de connaître Mian an Anoglaigh, au bout d’un an et un jour, ou demain matin, comme tu préféreras.
Le fils du roi entra dans sa maison, s’assit sur un siège et laissa échapper un soupir.
- Voilà un soupir de fils de roi soumis à des gages, lui dit la femme.
Le lendemain matin, le fils du roi se leva, mit son habit de guerre, et il était écrit, au dos de son épée, qu’il était le premier guerrier du monde.
- Eh bien, attends maintenant jusqu’au jour de la fête de la sainte Brigitte, lui dit la femme, les jours seront plus longs et ton voyage sera plus facile à faire.
Quand vint le jour de la fête de sainte Brigitte, le fils du roi se leva.
- Eh bien, attends jusqu’au jour de Bealtaine, dit-elle.
Quand vint le jour de Bealtaine (1er mai), le fils du roi se leva au matin.
- Il serait aussi bon pour toi d’attendre jusqu’au jour de Lughnasa (1er août), lui dit la femme.
Aussitôt que fut venu le jour de Lughnasa, le fils du roi se leva de bonne heure et termina son voyage en arrivant au bord de la mer. Il ne vit ni navire ni bateau. Il fit un navire de son chapeau, un mât de son bâton, des voiles de sa chemise et des câbles de sa jarretière. Il alla sur la mer, tumultueuse, impétueuse, écoutant les phoques, le cri des mouettes, les ébats des anguilles, en sorte que c’était le saumon le plus loin au fond qui jouait et chantait à ce moment ; en sorte que le soir et la fin du jour arrivèrent, que les souris allaient dans les trous, les oiseaux dans les arbres, que le cheval blanc allait à l’ombre de la patience, et la patience s’en allait. Il sauta haut et adroitement au sommet du pont du navire. Il vit un château qui avait un bout de plume au dedans, un bout de plume au dehors et autre bout de plume pour retenir le plancher et l’arête du toit. Il se dirigea vers le château et demanda un abir jusqu’au jour.
- Cent bienvenues à toi, fils du roi, dit le maître de la maison. Tu vas chez les Grand Boiteux demain, et tu n’iras pas à pieds ; je te donnerai un cheval, qui est à l’écurie et qui arracherait un poil au vent de Mars et auquel le vent de Mars n’arracherait pas de poil.
Il partit le lendemain pour la maison du Grand Boiteux. Il frappa un coup sur la cuaille combraic (on trouve au lieu du bouclier, ce mot obscur inexpliqué. Il est probable que nous avons ici la bonne leçon qui s’est corrompue parce que les conteurs ne connaissaient pas l’usage, au Moyen Age, de frapper l’écu de son adversaire pour le provoquer au combat) et il ne laissa pas de veau dans une vache, d’agneau dans une brebis, de poulain dans une jument, qu’il ne fit sortir par la force de son coup. Et voilà le Grand Boiteux dehors. Quand le Grand Boiteux était dans la vallée, le fils du roi était sur la colline. Le fils du roi tourna sa bête vers la maison et le Grand Boiteux alla à sa suite. Le fils du roi sauta de sa bête à l’intérieur par la fenêtre.
- Protection pour toi, fils du roi ! fit le maître de la maison.
Le Grand Boiteux lança son coup et fit deux moitiés de la bête.
- Je te donnerai une autre bête demain, dit le maître de la maison.
Le lendemain, le fils du roi partit pour la maison du Grand Boiteux. Il frappa un coup, comme il avait fait le premier jour. Et voilà le Grand Boiteux après lui. Quand le Grand Boiteux était dans la vallée, le fils du roi était sur la colline. Quand il fut à la maison, il sauta de sa bête à l’intérieur par la fenêtre.
- Protection pour toi, fils du roi ! fit le maître de la maison.
Le Grand Boiteux lança son coup et fit deux moitiés de la bête.
- Maintenant, dit le maître de la maison, je te donnerai une autre bête demain.
Le lendemain, le fils du roi partit, en sorte qu’il fut à la maison du Grand Boiteux. Il frappa un coup de la même façon. Et voilà le Grand Boiteux après lui. Quand le Grand Boiteux était dans la vallée, le fils du roi était sur la colline, jusqu’à ce qu’il fut à la maison. Il sauta à l’intérieur par la fenêtre.
- Protection pour toi, fils du roi ! fit le maître de la maison.
Le Grand Boiteux lança son coup et fit deux moitiés de la bête.
- Maintenant, dit le maître de la maison, tu vas aller demain et tu n’auras plus de bête avec toi.
Le Grand boiteux est si accablé qu’il ne marche pas un pas sans enfoncer en terre jusqu’aux genoux. Tu suivras sa trace jusqu’à la tête de son lit. Tu trouveras le Glaive de Lumière sur le baldaquin de son lit. Tire le glaive de son fourreau, et la lumière fera sauter le Grand boiteux sur ses pieds. Tire le glaive et dis-lui que s’il ne se rend pas, tu vas lui couper la tête. Sur ta vie, ne fais pas cela ; c’est mon frère, l’oncle de ta femme.
Le fils du roi partit au matin. Il suivit la trace jusqu’à la tête du lit. Il trouva le Glaive de Lumière suspendu au baldaquin du lit. Le Grand boiteux sauta du lit. Le fils du roi tira le glaive et lui dit:
- Rends-toi, ou je te couperai la tête.
- Ne fais pas cela, dit le Grand Boiteux ; cent bienvenue à toi, fils du roi ! Je suis l’oncle de ta femme. Assieds-toi ici que je te raconte comment j’ai eu ma femme.
“ J’étais une fois ici, dit-il, et je sortis. Je vis un homme sauvage. Il était en train de manger du cresson. J’ôtai ma peau, dit le Grand Boiteux ; pendant que le sauvage mangeait une tige, je mangeais deux tiges. Je m’approchai de lui pas à pas. Je le saisis, je l’emportai à la maison, je le lavai et le nettoyai et je lui mis un bon vêtement.
“ Ma femme ne tarda pas à préférer l’homme sauvage à moi. Elle me frappa avec une baguette magique et me changea en cheval blanc. Il n’y avait pas une seule besogne habituelles de la maison que je ne fusse obligé de faire. Maintenant j’avais toujours à moi l’intelligence d’un homme. Je me grattais sur les grilles et je laissais mes crins dessus. Un homme entra alors, alla trouver ma femme, et lui dit que j’étais sale et que ja salissais tout dans la maison.
“ Ma femme sortit, elle me frappa avec une baguette magique sombre et me changea en grand taureau. . Maintenant j’avais toujours à moi l’intelligence d’un homme. Je ne laissais pas une fille aller traire, sans la suivre et la chasser du champ, et la crainte que les filles avaient de moi ne leur permettait pas d’aller traire. Un homme entra, alla trouver ma femme et dit que je faisais beaucoup de dommages.
“ Ma femme sortit, elle me frappa avec une baguette magique sombre et me changea en loup. J’avais toujours à moi l’intelligence d’un homme. J’entrai dans le bois et je poussai trois hurlements . Il n’y eut pas un seul loup dans le bois qui ne se rassemblât autour de moi. Comme j’avais en moi l’intelligence d’un homme, je les conduisis. Nous commençâmes à tuer les brebis. On entendit dire alors que les loups tuaient les brebis du pays. Une grande chasse de chiens vint nous poursuivre. Comme j’avais toujours l’intelligence en moi d’un homme, je vis venir le roi à cheval. J’avais en moi l’intelligence d’un homme. Je me jetai à genoux devant le roi. Je te pardonne, noble chien, dit le roi.
“ Le roi me conduisit chez lui. Tous les enfants qu’il avait eus auparavant, il venait une grande main qui les emportait avec leur berceau C’était Mian an Anoglaigh. Le roi dit: “ Je mettrai le noble chien à garder l’enfant cette nuit ”. Il me laissa garder l’enfant. Je n’y étais pas depuis longtemps qu’il vint une grande main. Je saisis la main et je continuai à la mordre en remontant toujours le long du bras. Je coupais le bras à l’épaule. Je le pris et le laissai à côté du berceau.
“ Le roi envoya deux hommes suivre la trace du sang. Il suivirent le trace du sang jusqu’à ce qu’ils entrassent dans une maison qui était sous bois. Ils trouvèrent le grand géant qui était mort. Trois enfants qui étaient là étaient ceux du roi. Il emmenèrent les trois enfants à la maison du roi.
“ Le plus grand d’entre eux montait à cheval sur moi tous les jours. Je vis une baguette magique sombre dans la main du petit garçon. Je baissai le museau et la pris avec la patte. Il me frappa avec la baguette magique sombre ; je redevins tel que j’étais auparavant. Je vins à la maison, je pris l’homme sauvage et je le jetai à la porte. Voilà comment j’ai eu ma femme. Voici pour toi le Glaive de Lumière. Va-t’en chez toi et que le bonheur soit avec ta femme ! ”
Voilà mon histoire, une paille dans ta bouche et de longs gâteaux jaunes dans ma bouche !
Le Forgeron qui guérissait le mal de dents
Il y avait une fois un homme qui était rendu fou par le mal de dents. Il ne savait ce qu’il avait de mieux à faire, mais il pensait qu’il ne pouvait pas supporter plus longtemps la douleur. Les voisins étaient aimables, et ils allaient le trouver, tout affliger et lui apportaient bien des remèdes, mais sans qu’il s’en trouvât mieux. Enfin une femme lui donna le conseil d’aller chez le forgeron, car tous les forgerons avaient des recettes magiques contre le mal de dents.
Il suivit le conseil et alla à la forge sur-le-champ. Il raconta son histoire au forgeron. Le forgeron ne pouvait rien au mal de dents, mais c’était un homme habile et rusé ; il tourna vers lui une figure longue et affligée et fit beaucoup de questions au pauvre homme qui était malade. Le malade lui dit qu’il préférerait souffrir n’importe quoi pour mettre fin à son mal de dents.
- Je te guérirai, dit le forgeron, et ma parole que je ne te blesserai pas le moins du monde !
- Hélas ! que la bénédiction de Dieu soit longtemps sur toi ! dit le malade.
Là-dessus, le forgeron alla prendre une tresse bien douce de lin et l’enroula fortement deux fois autour de la dent malade ; il fit une corde de l’autre partie et en attacha le bout aux cornes de l’enclume.
Maintenant, le malade était courbé en deux et son nez était à six ou sept pouces de l’enclume.
- Aie patience maintenant un petit moment et l’enclume tirera le mal et la douleur de cette dent-là, dit le forgeron.
Le pauvre homme s’arrangea, les mains sur les genoux, la bouche ouverte, avec un petit filet de salive qui en découlait. Le forgeron alla à ses affaires, souffla le feu, rassembla les charbons, et de temps en temps, il tirait un long fer qui était dans le feu, le regardait, l’y fourrait de nouveau et cela en racontant une histoire merveilleuse pendant tout ce temps, tandis que l’autre regardait la terre et laissait échapper des grognements pour toute réponse. Mais au milieu de l’histoire le forgeron tira le fer rouge rapidement et le jeta sur l’enclume vivement et fortement. Il en partit une grande pluie d’étincelles. Le pauvre homme bondit en arrière et tomba sur le plancher. Le forgeron éclata de rire. Quand le malade se leva, il avait beaucoup de sang dans la bouche, mais la dent était partie. Elle était au bout du fil.
- Que mon corps échappe au diable ! dit-il, je ne l’ai pas sentie s’en aller le moins du monde.
- Ne l’avais-je pas dit ? dit le forgeron, va maintenant chez toi et quand tu auras encore besoin de te faire arracher une dent, tu sauras où aller.
samedi 5 mai 2007
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