mardi 24 avril 2007

Archéologie de Mithra

Lucien Geindre "Champigneulles et le Val Saint-Barthélemy"

En 1887, des recherches effectuées par MM. Bleicher, Millot et Barthelémy avaient abouti à la découverte d'une enceinte protohistorique à la Fourasse. Puis, en 1967, Jean-Pierre Louis entreprit d'explorer ce site et confirma l'existence d'un habitat fortifié remontant au premier âge du fer (période de Hallstatt, 750 à 450 av. J.-C.).
Défendu de façon naturelle par la forte déclivité de la colline, côté Maxéville et côté Champigneulles, l'éperon (altitude 325 m)restait vulnérable vers le plateau avec lequel il est de plain-pied. Nos ancêtres creusèrent donc un large fossé dont les déblais servirent à former un rempart de pierraille et de blocs calcaires calcinés. Cette ligne de protection mesurait 338 m de longueur et avait une largeur de 9 m à la base pour une hauteur de 1,30 m.



Elle était sans doute surmontée d'une palissade en bois et reste encore visible. Ainsi l'éperon triangulaire était barré et le camp, bien défendu, couvrait 6 hectares. A proximité du rempart Jean-Pierre Louis et ses compagnons découvrirent des tessons de poterie, des objets en fer et de nombreux fragments de meules en grès. Leur petitesse les a amenés à supposer que des assaillants qui avaient envahi le camp auraient détruit toutes les meules importées de loin pour ruiner l'économie de l'habitat.

L'enceinte protégeait un certain nombre de cabanes dont les vestiges de l'une d'entre elles ont pu être fouillés. A l'intérieur d'un mur de pierre sèche, sur le sol situé à environ 0,80 m au-dessous du niveau du terrain extérieur subsistaient des restes de foyer et quelques tessons de poterie.



D'autres fonds de cabane existent certainement encore sous les frondaisons qui recouvrent l'éperon de la Fourasse. Il reste à les découvrir.

Parmi les objets retrouvés au cours des fouilles de l'équipe de J.-P. Louis nous citerons :
- de nombreux fragments de poterie mal cuite.
- une sorte de burin.
- une aiguille en fer.
- un fragment de marteau-hache de l'époque néolithique resté là depuis cette époque ou apporté par l'un des occupants du camp,
- un fermoir d'aumônière mérovingienne témoin d'un passage ultérieur contemporain de l'ère franque.



M. Bleicher a signalé la présence d'un puits profond de 12 mètres et de plusieurs tumuli, dont un, qu'il a fouillé, contenait des ossements et de la poterie. Un bracelet en bronze a été trouvé au pied de l'oppidum, près de la chapelle des Trois-Colas. Tous ces indices montrent la présence d'une petite population à l'intérieur du camp fortifié.

L'époque gallo-romaine

Mais le développement économique d'un tel habitat nécessitait un établissement en des lieux faciles à cultiver. Et les flancs du vallon de Bellefontaine, exposés au Midi, offraient des terrains plus favorables.
C'est pourquoi, après la conquête romaine (-58, -52), de petites exploitations agricoles furent bâties en un lieu appelé plus tard "Au Sarrazin". Mais l'occupant avait apporté avec lui des techniques de construction bien supérieure à celles des Gaulois et permettant de bâtir des edificiae en pierre et mortier, couverts de tuiles en argiles cuite. Ainsi, peu à peu, les vieilles cabanes celtiques firent place à des bâtiments en dur couramment appelés villas. C'est l'un d'eux que nous avons retrouvé en 1969 et presque totalement fouillé.

Il s'agit d'une exploitation agricole (villa agricola) relativement importante, élevée au milieu d'un domaine comprenant jardins, cultures, vignes, vergers et pâturages.

Mais un peu plus loin, à l'entrée du Noirval, des forges sont en activité, probablement exploitées par les Gaulois, auxquels succédèrent les Gallo-Romains.

Le site du Noirval


L'établissement Métallurgique

L'étroit vallon du Noirval débouche sur une clairière appelée la Bonne Fontaine où s'élève le cabaret-guinguette de M. Gourdin et des installations de pompage.

La verte prairie qui les entoure et que domine encore la digue d'un vieil étang, recouvre des amas considérables de scories de fer provenant des forges antiques. C'est au siècle dernier que des découvertes fortuites, puis des fouilles révélèrent des vestiges de cet atelier métallurgique où les Gaulois traitaient le minerai extrait sur place. (Travaux de MM. Guérin et Cournault.)



Vers 1863, les recherches aboutirent à la mise au jour d'un fourneau du type catalan, composé d'un foyer, d'un conduit en maçonnerie de 0,70 m de longueur et d'une soufflerie hydraulique (incertain) dont les deux réservoirs de 0,60 m de diamètres étaient encore bien conservés. Tout autour abondaient les éponges de fer provenant du minerai mal réduit et formant de petites masses poreuses où apparaissaient des noyaux de fer ou d'oxyde de fer.

Les forgerons de l'antiquité utilisaient ainsi de petits fours où ils traitaient des masses de 30 à 40 kg, amenées à l'état pâteux, la température obtenue étant insuffisante pour produire une fusion franche. Chaque éponge était longuement et fortement martelée pour être expurgée de sa gangue et donnait une lentille d'un métal plus ou moins pur.

Le fourneau à soufflerie hydraulique marque un progrès important dans la technique métallurgique, puisque l'eau prise à la source voisine y remplace le soufflet de peau manoeuvré à bras, et pourrait indiquer qu'il date de l'époque gallo-romaine.

L'atelier du Noirval était un vaste ensemble de traitement où les foyers étaient détruits et reconstruits sans cesse, leur constitution ne permettant guère de les utiliser plusieurs fois. Il fallait casser les parois d'argile pour extraire le produit. Les travaux récents de construction d'un réservoir d'eau, en 1973, nous ont permis de recueillir, outre les scories déposées sur une épaisseur de 0,40 m à 0,60 m, des loupes de fond de creuset permettant de déterminer la taille des fourneaux : diamètre de 0,40 m à 0,50 m.

Une préparation du minerai était nécessaire pour l'utilisation de ces outils primitifs. Les forgerons gaulois, après avoir extrait le minerai sur place, à fleur de sol, le broyaient finement, le lavaient, effectuaient parfois un premier grillage avec du charbon de bois, puis l'entassaient dans le bas fourneau, ajoutant éventuellement des fondants pour obtenir une scorie plus fluide et procédaient à la réduction.

Après cinglage à la masse, les loupes de fer étaient divisées en lingots eux-mêmes parfois partagés en lingotins commercialisés dans la région. Nous avons retrouvé dans une villa gallo-romaine à Frouard, à la limite de Champigneulles sept de ces lingotins tronconiques terminés par une queue de manipulation, gisant sur la forge et destinée à être transformée en outils.

Pour en revenir au Noirval, il est permis de penser que des fouilles systématiques aboutiraient à des découvertes fort intéressantes sur la métallurgie antique. On peut présumer que cet atelier fut encore utilisé à l'époque mérovingienne puisque des sépultures de type barbares, franc ou alémanique, ont été signalées sur le site.



L'HABITAT DU NOIRVAL


Les fouilles de 1866 n'ont pas abouti à la mise au jour de vestiges de cabanes gauloises ou d'habitations gallo-romaines. Celles-ci ont pourtant dû exister et M. guérin a recueilli deux kilos de poteries de qualités diverses :
- à terre rouge semée de fragments de coquillages
- à pâte grise épaisse,
- à pâte grise fine, et deux clés en fer.
Plus tard, on trouva une monnaie de Néron (54-68).
Par contre, des vestiges d'un édifice culturel ont été exhumés en partie :
- bas-relief romain ayant appartenu à un autel et reposant sur des substructions en maçonnerie,
- fragments d'inscriptions,
- frise sculptée,
- morceau de statues,
- tête de femme voilée au visage martelé,
- portion de niche avec une main tenant la foudre (Jupiter),
- Fragment de stèle avec deux pieds,
- femme drapée (incomplète),
- torse d'homme,
- chapiteaux,
- statue de Mars.

C'est une stèle en forme de niche, haute d'un mètre cinquante environ et abritant deux personnages. Le premier, nu, portant seulement un marteau jeté sur l'épaule gauche tient une épée dans sa main gauche tandis que son bras droit levé semble protéger un second personnage dont il ne reste que les pieds. Une inscription en deux lignes très incomplète n'a pu être déchiffrée : I... VIN.

Cette stèle figure au Musée Lorrain.



A ses côtés gisaient également des morceaux d'autres statues, dont un monstre à tête d'aigle, corps de cheval et queue de poisson.

Toutes ces sculptures proviennent évidemment, sinon d'un temple, tout au moins d'un ensemble votif, tels que les Gaulois et gallo-romains aimaient en implanter dans les lieux familiers de travail ou de culte.

Car ici, étaient réunis, au sein même de la forêt, les éléments naturels, eau, feu, minerai avec lesquels les forgerons façonnaient le métal, sous le regard des dieux.

Il est regrettable que les archéologues du XIXe siècle n'aient pas laissé de plans et de croquis qui eussent permis de reprendre des recherches car nous ne doutons pas que le Noirval renferme encore maints vestiges intéressants.

L'habitat du Sarrazin ne semble pas être la seule villa du Val de Bellefontaine. Un peu au-dessus, en un lieu appelé le chemin des Murs, nous avons recueilli des tessons de poterie dont l'un porte la marque d'un potier gaulois. En bordure de l'actuelle rue Voltaire se situait un endroit nommé jadis Château Grignon, mot dans lequel nous décelons une origine gallo-romaine : Granius ou Granus.



D'autre part, le lieu-dit "Arcoles" dans le même secteur pourrait provenir de l'existence d'un antique fanum (petit temple) dédié à Hercule (ou Ercole), dieu guérisseur ou dieu de la Force. (Masson : ce lieu-dit est situé au sommet du front d'Hermès).


Par contre, nous ne saurions affirmer que le centre du village ait eu pour origine une villa gallo-romaine (comme à Bouxières). Aucun indice de cette époque n'y a été remarqué mais l'établissement d'une maison forte et de l'église a forcément bouleversé le site sur lequel des fouilles s'avéraient plutôt délicates et peut-être vaines.

Le bas d'un sequellette incomplet découvert dans une fouille derrière l'hôtel de ville en mai 1990 nous a intrigué par sa présence hors du vieux cimetière. Mais la sépulture trop incomplète pour être datée n'a pu nous apporter un quelconque renseignement sur une antique occupation en ce lieu.

Depuis l'organisation des Gaules par les Romains, la villa de Champigneulles se trouve dans le pays de Chaumont (Pagus Calvomontensis) à la limite du Tullensis et du Scarponensis, et fait partie de la Civitas Leucorum ou Cité des Leuques dont la capitale est Tullum (Toul). Cette civitas forme avec d'autres une immense région ou province appelée la Belgica Prima (première Belgique) s'étendant de Dijon à la Holande.

Nancy n'est encore qu'un misérable hameau dans les marécages de la Meurthe.


L'éperon Barré



La grande voie romaine ne passe pas très loin, entre Toul et Scarpone (Dieulouard), mais la rivière est déjà un moyen de communication très utilisé (une compagnie des nautes de la Moselle a son siège à Metz).

Quelle durée d'existence attribuer à la villa du Sarrazin ? Il est bien difficile de le dire, même avec les monnaies retrouvées. Si l'on fait exception d'un moyen bronze d'Auguste (-30) isolé sur la liste des monnaies découvertes dans les vestiges, la chronologie des pièces s'étend de 117 à 353, d'Hadrien à Magnence et correspond à trois périodes :

IIe siècle - Hadrien - Antonin (117 à 161),
IIIe siècle - Alexandre Sévère, Gallien, Tétricus, Claude II, Tacitus (222 à 276),
IIIe siècle - Licinius, Constantin Ier et Constantin II, Hélène, Constant Ier, Constant II et Magnence (308 à 353).

Il semble donc que l'habitat du Sarrazin ne soit pas ou peu antérieur à l'an 120 et qu'il ait disparu sous Magnence. Or, nous savons qu'aux environs de 350 une guerre, qui opposa cet usurpateur à l'empereur Constance, fit de grands ravages dans le pays, d'autant plus que Constance aurait utilisé les services de certains barbares. En outre les Alamans profitèrent de l'occasion pour envahir la Gaule du Nord-Est qu'ils ravagèrent.

Nous pouvons affirmer que la villa de Champigneulles a péri par incendie. L'examen des vestiges le prouve, mais ne permet pas cependant de dire s'il s'agit d'un sinistre accidentel ou malveillant (passage des barbares), bien que nous ayons découvert dans les ruines un fragment de vase caréné de type alémanique (mais il a pu être abandonné ultérieurement).

A l'époque où nos Gallo-Romains vivent et travaillent dans le ou les domaines agricoles implantés au creux du vallon, d'autres exercent une activité industrielle qui succède à celle de leurs prédécesseurs celtes. Les forges du noirval continuent à fournir à la région du fer pour la quincaillerie, les outils et les armes. Elles travaillent sous la protection des divinités représentées sur un monument en pierre élevé en cet endroit. Ainsi au début de notre ère le Val de Bellefontaine est à la fois un siège d'une industrie et le berceau d'une économie rurale déjà développée.

La villa gallo-romaine du Sarrazin


Découverte en 1969, lorsqu'une société immobilière commença les travaux d'un important lotissement, elle a pu être fouillée presque totalement par l'équipe du Centre d'Histoire de Pompey.
Il s'agit d'un établissement agricole implanté sur le versant nord du Val Saint-Barthèlemy, à proximité de l'autoroute actuelle.
Le mot villa agricola, pris dans un sens le plus large implique plutôt un groupe de bâtiments appartenant au même domaine. Nous l'employons ici dans un sens le plus restrictif désignant chaque unité de construction. Il y a donc, au Sarrazin, trois villa actuellement reconnues.



LA VILLA I


C'est la plus importante. Elle comprend trois ailes de bâtiments formant un U autour d'une cour.
L'aile nord, orientée est-ouest, constitue l'habitation proprement dite, longue de 45 m et comprenant deux chambres, un couloir, la cuisine, la salle de bains, un hangar à bois et une cave, le tout probablement précédé au Sud d'une galerie couverte.
- Les chambres, dont le sol est bétonné, possèdent chacune une cheminée semi-circulaire en brique et tuileau, des murs peints, et s'ouvrent sur un couloir aboutissant à la cuisine.
- Trés dégradée, celle-ci n'a plus de dallage ni de foyer intact mais les crochets servant à suspendre les chaudrons au-dessus du feu y ont été retrouvés.
- La salle de bain est relativement grande et formée de deux pièces, un déshabilloir chauffé par hypocauste (système romain de chauffage par le sol) et une pièce abritant une vaste piscine de 6,50 m x 4,75 m, profonde de 0,70 m. Malheureusement elle n'a pu être totalement fouillée. La décision du maire de faire passer d'urgence à cet endroit un égout a abouti à la destruction des vestiges avant la fin des travaux. (L'égout ne fut mis en service que deux ans après).
- Le hangar à bois n'offre rien de particulier. On y trouve la rampe d'accès au préfurnium (foyer de l'hypocauste).
- La cave forme l'extrémité Est du bâtiment. Peut-être était-elle surmontée d'une tour d'angle. On y accède par une rampe extérieure aboutissant à la porte. Un soupirail, côté Sud, donnait de l'aération et un peu d'éclairage. Les murs sont recouverts d'un enduit reproduisant les joints au creux et soulignés à la peinture rouge. Sur les côtés Nord et Est des niches destinées à abriter des divinités étaient vides. Il s'agit d'une cave-sanctuaire dans laquelle les Gallo-Romains pratiquaient leur culte. Les décombres renfermaient encore les morceaux d'une table-autel circulaire.
- La galerie. Son existence reste hypothétique. Mais quelques chapiteaux de l'ordre dorique, des fragments de colonne dispersés dans les ruines, la nécessité d'abriter la descente de cave, et les enduits peints extérieurs font cependant présumer de sa construction. La pose d'une conduite d'eau posée au début du siècle semble avoir fait disparaître le mur bahut ou les socles ayant supporté la colonnade à environ 3 m de la façade, ce qui nous prive d'un témoin supplémentaire.

Nous ne savons rien des fenêtres du bâtiment (dimension, quantité) mais nous pouvons penser qu'elles étaient munies de vitre car un fragment de verre plat portant des traces de mortier de scellement a été retrouvé. Ces vitres faites à partir de verre soufflé puis aplati ne pouvaient avoir de grandes dimensions.

On notera aussi que du hangar à bois on descendait dans la galerie par un escalier de pierre monolithique de 3 marches dont le poids est évalué à 900 kg.

Parmi les éléments de construction nous avons remarqué, outre les tuiles, plates à rebords (tegulae) et creuses (imbrice), des tuiles à oreilles destinées à maintenir un vide d'isolation dans certains murs, des briques découpées dans la roche calcaire de pétrification (source de Bellefontaine et de Bouxières) pour l'isolation également ou pour certaines voûtes légères.

L'aile Ouest. - Formant les bâtiments d'exploitation, elle comportait une galerie de 3,40 m de large accolée à un hangar de 11 m, les deux mesurant 34 m de long.

Au milieu du hangar au sol bétonné une galette circulaire de 2,50 m de diamètre, formée de béton et de briques rouges, avait dû servir de socle à un pressoir ou à un moulin.

Les fondations sont trés dégradées vers le sud et difficiles à délimiter. Toute cette aile abritait le bétail, les outils et chars et peut-e^tre le fourrage.

L'aile Sud. - Orientée Est-Ouest, elle était un peu en contrebas de la cour et comprenait une tour carrée à l'intérieur circulaire (colombier ?) un petit hangar abritant le four à pain (dont il subsiste encore la sole), entourée de plus de 12 cm3 de cendre de bois, puis, trois locaux dont la destination n'a pu être établie exactement (laiterie, porcherie ou logements de domestiques agricoles ?). Sous le troisième passaient des caniveaux d'évacuation des eaux de la cour et du bassin.

La cour, vers l'Est, était limitée par un grand abreuvoir de 16 m x 8 m, au fond tapissé d'argile.

Enfin, un mur de clôture ceinturait l'ensemble.

Mentionnons encore un puits, à l'ouest, exploré jusqu'à 7 m de profondeur ; il était en parfait état mais n'a rien livré d'intéressant, sinon une coquille d'huitre tout au fond.

Au total, la villa I mesurait 80 m x 70 m, couvrant une superficie de 560 m2.



LA VILLA II


Les recherches poursuivies dans le même secteur aboutirent à la découverte d'une seconde villa proche de la première mais plus modeste.

Trés dégradée, elle semble avoir constitué un habitat provisoire.

Elle était construite sur une carrière d'argile ayant déjà servi à la fabrication de tuiles et briques et remblayée par les décombres d'un bâtiment précédent. Puis elle fut rasée et, dans un four à chaux bâti sur l'angle Sud-Ouest, on réutilisa de la pierre calcaire pour la construction ou plus probablement pour la reconstruction de la Villa I.

Cette villa provisoire comportait plusieurs pièces de petites dimensions, une cave-sanctuaire aux murs en pierre taillée, assemblée sans mortier, et un établissement de bain dont faisait partie un édifice à abside, au sol de carreaux en terre cuite.

Les murs peu épais (en soubassement), les cloisons faites d'un enduit de mortier peint appliqué sur claies en bois, la faible surface et la proximité de la Villa I accentuent ce caractère provisoire de l'édifice. Nous y avons trouvé très peu de mobilier et rien qui nous donne une date même approximative. Recouvertes de chaux, lors de la mise en activité du four, les substructions faillirent même échapper à nos recherches.



LA VILLA III


Située à 80 m Sud-Est de la villa I, elle n'a pu être délimitée très exactement comme les précédentes. Seul un mur de 60 m de long, avec 3 refends perpendiculaires, en constitue les vestiges. La route du nouveau lotissement l'ayant coupé dans le sens de la longueur, nous n'avons pu en retrouver le côté Sud.

L'intérieur de ce bâtiment ne comportait que des matériaux de constructions en vrac, tandis qu'à l'extérieur, côté nord, nous avons pu recueillir, mêlés à un pavage en pierres brutes, de nombreux tessons de poteries et 18 fibules en bronze argenté ou émaillé ainsi que les 4 pièces de monnaies dont 2 Sévères et 1 Constantin, des scories de bronze et une meule en grès des Vosges, complète mais brisée.

Quelques morceaux de colonne de pierre se mêlaient aux moellons de la première couche. Que fut cette Villa III ? Une annexe ou une demeure indépendante ?

Y eut-il un four de bronzier dans ce bâtiment ?

Pourquoi tant de fibules à l'extérieure seulement ? Autant de questions restées sans réponse. Les fouilles sont souvent des romans policiers inachevés.

Quoiqu'il en soit, les vestiges ne semblent pas manquer dans ce secteur.

Et d'autres seront peut-être encore découverts dans l'avenir, ne serait-ce que la nécropole correspondant à cet habitat. Cependant l'urbanisation est aujourd'hui à peu prêt terminée et rien n'a encore été décelé.

LES MURS

Ce secteur situé au-dessus du Sarrazin pourrait devoir son nom à des murs antiques, vestiges de constructions gallo-romaines. En 1971, des tessons de poterie dont un porte la marque d'un potier gaulois ont été découverts à proximité d'une terrasse sous la lisière du bois. N'y a-t-il pas une autre villa à cet endroit ?

LE MOBILIER ANTIQUE

Les ruines des villas du Sarrazin ont livré un mobilier gallo-romain important :
- Objets en fer :
Outils divers : haches, serpes, houe
Serrure de cadenas, clés, verrous
Clarines (clochettes à vaches)
Tuyaux, joints de tuyaux en bois
2,5 kg de clous forgés.
- Céramiques :
Poterie commune, poterie sigillé unie ou à décors, poterie avec marques (dont une d'Axanticus et une de Germanicus), amphores à salaison ou à huile (l'anse de l'une d'elles porte le nom de Porlucani, négociant espagnol en huile d'olive du IIe siècle), bouchons d'amphore formant godet d'échantillon, dolia, coupes à bec verseur, cruches, terrines eet bols.



- Eléments de construction :
Tuiles (tegulae et imbrice), tubes de chauffage (tubuli), briques diverses lisses ou striées, briques en pierre poreuse servant d'isolant, plaques de marbre (brèche violette de Versilia, Italie) et de porphyre, fragments de vitre en verre épais, tesselles de mosaïque, dalle de pierre polie, fragments d'enduit peint.
- Eléments en plomb :
Tuyaux de vidange, bonde, bavettes de toiture.
- Petits objets féminins :
Epingles et aiguilles en os, fibules, fibules en bronze, cuillers à fard, bagues.
- Pièces d'outillages :
Fragments de meules en basalte, cheville en bois de métier à tisser, meule en grès pouvant provenir du camp gaulois.
- Quincaillerie de meuble :
Charnière, boutons de tiroir en bronze.
- Dépôt de bronze :
Retrouvé au fond de la cave, il avait dû être placé peu de temps avant la destruction de la villa, il constitue une des découvertes les plus intéressantes faites dans la région. Il comporte une cinquantaine de pièces en bronze diverses, dépareillées ou incomplètes, ramassées par un récupérateur de l'époque dans les villas voisines et destinées à la refonte. Nous y avons également trouvé des déchets de plomb et de fer.

Parmi les objets, citons :
- Un socle de colonne en tôle de bronze emboutie.
- Une cornière bronze gravée.
- Des éléments de décoration de char et de harnachement.
- Des fragments de statue (main, doigts, jambes), grandeur nature.
- Des éléments d'ornementation (dauphin, arbuste, branche).
- Une anse d'hydrie (cruche) portant une divinité marine et une Epona (déesse à cheval).
- Un buste de gaulois portant manteau et cuculus (un notable ?), peut-être un duovir ?



- Quatre Andromèdes, en applique.
- Une patte d'aigle - Un griffon (pied de socle).
- Des poignées de meubles - Des clochettes - Des fragments de forme imprécise.
- Un arbuste dont les branches portaient des lampes à huile.

- Enfin la plus belle pièce :
Une statue de Dionysos, dieu de la vigne, androgyne et hermaphrodite, haute de 0,75 m environ. Il ne lui manque que le bras gauche. Le bras droit, détaché, gisait à côté. Les pieds étaient fortement oxydés mais l'habileté de M. Thouvenin, chef du laboratoire du Musée du fer, nous a restitué une statue magnifique. Ce Dionysos est peut-etre un lampadéphore (porte luminaire). Il n'a pas l'harmonieuse proportion des statues grecques, mais les détails du corps sont trés soignés. Telle la chevelure ornée de lierre et terminée en torsades. C'est une oeuvre coulée à la cire perdue, donc creuse.



Le dépôt comportait aussi deux tuyaux de vidange en plomb, dont un soudé, un tuyau en fer roulé et des raccords et clapets de vidange en bronze, ainsi que des feuilles de plomb provenant de toitures et un fragment de cercueil en plomb à la bordure perlée et portant une tête de Diane surmontée du croissant de lune.

Il est probable que, sans la destruction de la villa, ces oeuvres d'art auraient été perdues par refonte dans un four de bronzier. Mais où était ce four ? Au Sarrazin, ou dans une autre région ? Car, peut-être ce ramasseur revendait-il à un grossite en métaux le produit de ses récupérations.

Notre grand regret aura été de n'avoir pu fouiller systématiquement le coin piscine. On l'a vu, la pelle mécanique devait creuser un égout d'urgence (!) et, comble de stupéfaction, nous avons trouvé ce jour-là les fouilles du logement totalement nivelées au bulldozer...

Les pièces lapidaires

Des fragments de table-autel, chapitaux, embases et tambours de colonne retrouvés épars dans les ruines et non en place dans les structures architecturales posent une énigmen. Certains semblent tout neufs. Ces pièces furent-elles réellement employées dans la villa ou préparées en vue d'une construction ultérieure ? Le mystère demeure. Il s'agit de chapiteaux appartenant à l'ordre dorique et des colonnes sans cannelure. L'existence d'une galerie pourrait expliquer leur destination.

Dans le bâtiment en contre-bas de la cour gisait une belle déesse-mère, symbole de la fortune, un pied posé sur un tabouret et teant la corne d'abondance sur le bras gauche. La tête n'a pas été retrouvée malgré nos recherches. Cette statue a été taillée dans la pierre de roche locale.



Nous avons également découvert une autre statue incomplète. C'est la partie inférieure du corps d'un personnage à la jupe retroussée, au long manteau bien drapé par derrière. Il pourrait s'agir d'Artémis, déesse de la chasse et de la forêt (Diane).

La poursuite des travaux du lotissement ne nous a pas toujours permis d'effectuer des fouilles précises.

La villa du Sarrazin a été incendiée. Une couche de cendre recouvrait le dallage des chambres sur lequel subsistait encore des coulées de plomb fondu tombé des toitures. Verrous et serrures gisaient dans la cendre sur les seuils de porte. Abandonnée aprés le sinistre, elle a dû se dégrader petit à petit. Des hommes francs y sont passés peut-être à la recherche de matériel à réemployer et y laissèrent eux-mêmes quelques témoins (vases carénés).

Après des récupérations de pierres effectuées ultérieurement, les vestiges furent recouverts de terre et disparurent sous les labours. Le souvenir de cet habitat se perpétua dans un toponyme n'ayant apparemment aucun rapport avec les Gallo-Romains "Au Sarrazin", mais que l'on retrouve dans d'autres lieux recélant des vestiges gallo-romains.

Nous noterons également que dans un secteur de la forêt subsiste encore une plante méditerranéenne qui, selon un botaniste, aurait pu avoir été apportée par les Romains.

Conclusions sur les découvertes archéologiques de monsieur Geindre :


Il aurait été plus facile pour moi que monsieur Geindre ait découvert une statue de Taureau pour prouver sa présence toute proche ! Et bien si il a trouvé cette preuve ! Cependant pour la décrypter il faut étudier les mystères de Dionysos ! La statue de Dionysos atteste de manière irréfutable que ce culte était célébré ici ! Or que sait-on de Dionysos ?

- Les Grecs considéraient Dionysos comme une divinité étrangère, ainsi que l'indique l'attribut du bonnet phrygien, qu'il partage avec Mithra. On a parlé d'une origine indienne et mésopotamienne.
- Dionysos est ainsi représenté par un phallus, ou par un taureau, animal qui symbolise bien la violence de l’énergie qui parcoure la nature.
- sur les fêtes de Dionysos on connait 4 fêtes publies à Athènes, dont Anthestéries la fête des fleurs. Ces fêtes avaient un caractère sinistre, morbide, et en même temps très festif, ludique, coloré, orgiastique. Le vin y était important. Un accouplement rituel avait lieu, entre une Reine et le Dieu symbolisé par un taureau.
- Ariane est le double féminin de son époux Dionysos. Ariane, celle du fil, celle qui connaît les secrets du labyrinthe et qui permet au héros d’affronter le Minotaure, mi-homme mi-taureau, et surtout de ressortir, initié donc, car revenu de l’Autre Monde. Comme Dionysos, elle est divine et mortelle. Elle symbolisait à cette époque l’âme humaine. Je pense que la statue d'Artémis de Geindre est en fait une d'Ariane.

Ainsi les mystères de Dionysos sont liées à ceux de Mythra.

Un autre détail important est celui de la corne d'abondance de la déesse mère qu'a trouver monsieur Geindre : en effet elle symbolise la corne du Taureau qui se trouve juste en face de la villa du Sarrazin !

Le culte de Dionysos est attesté dans toute la Grèce, et attire toutes les couches sociales.
L’ivresse, l’érotisme, la fertilité universelle, les expériences inoubliables provoquées par l’arrivée des morts, la mania, l’immersion dans l’inconscient animal ou encore l’extase surgissent d’une même source : la présence de dieu.
La mania avec tout son cortège de manifestation appartient au cycle de la Grande Mère qui, en Asie Mineure, puis en Grèce, prolonge le type d’une grande déesse égéenne dont les déesses helléniques ont reflété bien des aspect.
Ces frénésies, possessions du dieu, que l’on trouve toujours au centre des rituels dionysiaques, ont été assimilées à une sorte de folie (mania). Ce qui distingue cette folie des autres, c’est qu’elle était valorisée en tant qu’expérience religieuse : soit comme une punition, soit comme une faveur du dieu.

Or nous trouvons un lieu-dit où la mania était peut-être célébrée : "Pièce de Manne" juste à proximité de Bellefontaine.

La Diane surmontée du croissant de lune nous aprend ce que l'on observe et vénére ici dans le Val Saint Barthèlemy : un croissant du cycle lunaire !

A propos des forges du Noirval, le site lui même où il est situé est intéressant à souligner : c'est là où se couche le soleil, où "le fourneau s'éteind" ! C'était un lieu judicieusement choisit.

Pour en savoir plus sur les mystères de Dionysos je vous invite à lire le message suivant.

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