mardi 24 avril 2007

Les Mystères de Dionysos

Les Mystères de Dionysos

La pièce les Bacchantes d’Euripide est le plus important document sur les cultes dionysiaques.

Le culte de Dionysos est attesté dans toute la Grèce, et attire toutes les couches sociales.
L’ivresse, l’érotisme, la fertilité universelle, les expériences inoubliables provoquées par l’arrivée des morts, la mania, l’immersion dans l’inconscient animal ou encore l’extase surgissent d’une même source : la présence de dieu.

Dionysos est un dieu plus proche des humains, et son contact permettait de surpasse la condition humaine.

Le Mythe

On connait trois naissances à Dionysos.
Il est le fils de Zeus et d’une humaine, Sélémé la Thébaine. Jalouse, Héra tend un piège à Sélémé humaine : elle l’incite à demander à Zeus de le contempler dans sa vraie forme. Sélémé en meurt, accouchant avant terme. Zeus coud l’enfant dans sa cuisse, et après quelques mois, l’enfant vient au monde. Il est deux fois né. Né d’une mortelle, Dionysos n’appartient pas de droit au panthéon des Olympiens, il réussira cependant à s’y faire accepter.
Mais d’autres récits le disent fils de Perséphone la reine des Morts (ou élevé par elle). D’autres le disent fils de Déméter.

Il descend souvent aux Enfers aux côtés de Perséphone, et en remonte. Il est le dieu qui va et vient, qui monte et descend. Il établi la jonction entre les deux mondes.
Dionysos est un dieu qui se montre soudainement, il est présent physiquement, et disparaît par la suite d’une manière mystérieuse. Cela reflète l’apparition de la vie et la mort, leur alternance et leur unité. Par ses épiphanies et ses occultations, il révèle le mystère et la sacralité de la conjugaison de la vie et de la mort.

Dionysos persécuté

Dionysos est un dieu mortel. Il est persécuté : tué par Persée, assassiné par les Titans,… Mais il est souvent défendu par les autres dieux. Cette persécution pourrait exprimer l’opposition rencontrée par le culte dionysiaque, car il serait arrivé tardivement en Grèce. Mais cette opposition a une signification plus profonde : elle nous renseigne sur l’expérience religieuse dionysiaque et sur la structure spécifique du dieu. Il devait soulever résistance et persécution car l’expérience religieuse absolue qu’il suscitait menaçait tout un style d’existence et un univers de valeur.
Il semble être l’héritier d’une mythologie plus ancienne ou du moins de ses couches les plus archaïques que la Raison grecque a plus ou moins dévié ou occulté, ou plutôt regroupé dans ce dieu qualifié d’étranger, mais surtout étranger à la Cité. Pour H. Jeanmaire : « La mania avec tout son cortège de manifestation appartient au cycle de la Grande Mère qui, en Asie Mineure, puis en Grèce, prolonge le type d’une grande déesse égéenne dont les déesses helléniques ont reflété bien des aspect. »

Symboles

Dionysos est aussi associé à la végétation (le lierre et le pin sont ses attributs, ses fêtes les plus populaires s’inscrivent dans le calendrier agricole), mais aussi à toute autre forme de vie. Il est le dispensateur des générosités de la Nature, qui rappellent l’Age d’Or. C’est un dieu nourricier, dans une atmosphère d’insouciance et d’absence de travail. Il est lié à des triades féminines également dispensatrices d’abondance.
Dionysos est ainsi représenté par un phallus, ou par un taureau, animal qui symbolise bien la violence de l’énergie qui parcoure la nature. Le pin de part sa croissance et le fait qu’il soit toujours vert aussi, de même le lierre qui s’accroche partout, s’étend et est particulièrement vivace représente ces forces de vie. Il semblerait aussi que le lierre terrestre ait été consommé car à petite dose il serait hallucinogène. Le lierre rejoint la même symbolique que la vigne.

Il est souvent associé à l’eau, en particulier la mer et les lacs, car ils constituent des passages vers l’Hadès.

Les rites

On connait 4 fêtes publies à Athènes, dont Anthestéries la fête des fleurs. Ces fêtes avaient un caractère sinistre, morbide, et en même temps très festif, ludique, coloré, orgiastique. Le vin y était important. Un accouplement rituel avait lieu, entre une Reine et le Dieu symbolisé par un taureau. C’est le seul exemple de culte grec où un dieu s’unit à une reine. Les âmes des morts revenaient sur terre, pour assurer la fertilité. De nombreux miracles avaient lieux pendant ces fêtes.
L’euphorie et l’ivresse anticipent en quelque sorte la vie dans l’au-delà, qui ne ressemble plus à la triste version homérique.

Les rituels nocturnes, frénétiques et sauvages, étaient tout autres. Ils étaient célébrés dans les forêts et les montagnes, loin des villes.
Une partie des pratiques rituelles consistaient à déchirer avec les mains et les dents et à manger cru la victime (végétal, animal, rarement humain). Les Bacchantes se considéraient comme changées en carnassier, et l’animal qu’elles tuent est déchiqueté et mangé. Elles sont possédées par le Dieu, hors d’elles. Cette victime était identifiée à Dionysos, elle était vue comme une incarnation du dieu. A travers son sacrifice, les mythes réalisaient la communion avec le dieu. Dionysos reçoit et est le sacrifice. Toutes les autres expériences surnaturelles étaient rendues possibles par l’enthousiasme, l’extase et l’identification avec le dieu.
Le fait d’être hors d’elles, possédées ou endormies signifie qu’elles voyagent en esprit. Dans les Bacchantes, elles s’endorment après avoir consommées du vin, puis s’envolent comme des oiseaux avant de s’abattre sur leurs proies comme des carnassiers (souvent des félins…).

Ces frénésies, possessions du dieu, que l’on trouve toujours au centre des rituels dionysiaques, ont été assimilées à une sorte de folie (mania). Ce qui distingue cette folie des autres, c’est qu’elle était valorisée en tant qu’expérience religieuse : soit comme une punition, soit comme une faveur du dieu.
Dionysos semble être l’héritier de divinités initiatrices qui entraînent dans leur suite des individus qui d’une certaines manières deviennent le Dieu. Dionysos est d’ailleurs le Bacchant, il est à la fois l’auteur de la transe des ménades et lui-même en proie à cette transe. Homère l’apelle Dionysos-le-fou. Mais il s’agit de la folie-possession, de la transe.

Toutes ces caractéristiques des rituels dionysiaques sont très archaïques, et peu de dieux ont conservés un héritage aussi ancien. Ces extases signifiaient la liberté et la spontanéité au-delà des interdits classiques de la société et de la morale, ce qui explique en partie l’adhésion massive des femmes.
Le culte dionysiaque contient aussi des rituels classiques, de style prométhéen, et les images végétariennes sont tout de même largement majoritaires.

Dionysos-Zagreus

Héra envoie les Titans qui attirent l’enfant Dionysos-Zagreus avec des jouets (qui resteront mystiques : la toupie, le rhombe, les osselets et le miroir), le massacrent et le découpent en morceaux. Ils les font cuire dans un chaudron ou les consomment. Une déesse reçoit, ou sauve, le cœur. Elle le place dans un coffre. Informé, Zeus foudroie les Titans. Dionysos est ensuite ressuscité.

Zagreus signifie grand chasseur, ce qui correspond au caractère sauvage et orgiastique de Dionysos. La cuisson et le démembrement rappellent les rituels initiatiques des chamans. Le crime des titans est donc un ancien scénario initiatique.

L’époque hellénistique

A l’époque hellénistique et romaine, Dionysos était le dieu le plus populaire. Son culte public avait été purifié, en éliminant l’extase, et spiritualité.

Ariane est le double féminin de son époux Dionysos. Ariane, celle du fil, celle qui connaît les secrets du labyrinthe et qui permet au héros d’affronter le Minotaure, mi-homme mi-taureau, et surtout de ressortir, initié donc, car revenu de l’Autre Monde. Comme Dionysos, elle est divine et mortelle. Elle symbolisait à cette époque l’âme humaine.
Il la rejoindra en Enfer après l’avoir faite tuée par Artémis, et il s’unira à elle. En d’autres termes, non seulement il délivre l’âme de la mort, mais il s’unit aussi à elle lors de noces mystiques. La béatitude d’outre-tombe est donc promise aux initiés.

Dionysos proclame la structure mystérieuse de son culte et explique la nécessité du secret initiatique. Les confréries dionysiaques avaient leurs propres cimetières. Les cultes, de préférence nocturnes, avaient lieu dans des grottes (parfois ?) et de nuit.

L’acte central de l’initiation était la présence divine rendue sensible par la musique et la danse. L’ostentation du phallus faisait partie des rituels. La sexualité et l’ivresse avaient une valeur sacramentale.

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